Les lourdes conséquences d’un calendrier rempli

Après les blessures de Vinícius Jr (Real Madrid, Brésil) et Eduardo Camavinga (Real Madrid, France), c’est au tour de Gavi (FC Barcelone, Espagne) de rejoindre l’infirmerie, durant cette trêve internationale. Les joueurs n’ont plus de repos, les absences de ceux-ci se multiplient et les équipes en payent le prix. C’est la réalité d’aujourd’hui avec le calendrier surchargé.

L’infirmerie déborde

Lors de la dernière trêve internationale, Neymar s’est blessé gravement. Durant celle-ci, la logique s’est poursuivi, alors que plusieurs joueurs ont quitté le terrain pour rejoindre l’infirmerie.

Jeudi dernier, Vinícius Junior quittait le match à la 27^e minute de jeu contre la Colombie, en raison d’une déchirure du biceps fémoral gauche, affectant le tendon de ses ischiojambiers, selon les informations du communiqué de presse du Real Madrid. La veille, c’était son coéquipier Eduardo Camavinga qui devait quitter l’entraînement de la sélection nationale française à la suite d’un contact avec son comparse Ousmane Dembélé. Dans son cas, l’équipe médicale madrilène a diagnostiqué une déchirure du ligament collatéral latéral du genou droit. D’après les évaluations madrilènes, l’ailier gauche brésilien devrait s’absenter pour deux mois et demi, tandis que le Français serait sur la touche pour deux mois. En l’espace de deux jours, le Real Madrid perdait deux joueurs clés.

Durant cette même semaine, Warren Zaïre-Emery tombait au combat pendant lors de l’écrasante victoire des Bleus contre le Gibraltar (14-0). Au moment d’inscrire son premier but, lors de sa première partie, avec la France, celui-ci s’écroulait au sol après un violent tacle à la cheville. Heureusement pour le sélectionneur Didier Deschamps et pour le Paris Saint-Germain, la jeune sensation de 17 ans n’aurait aucune fracture, mais il sera quand même absent des terrains pour quelques semaines.

Le plus récent ajout à cette longue liste de célèbres joueurs blessés est Gavi. Dans un affrontement contre la Géorgie, en contrôlant le ballon, celui-ci s’est déchiré le ligament croisé antérieur et aurait également subi une blessure au ménisque latéral, d’après l’équipe médicale barcelonaise. Le milieu de terrain espagnol subira une opération et manquera assurément le reste de la saison, dont l’Euro 2024, selon le FC Barcelone. 

À quand un calendrier raisonnable?

L’ajout de matchs ou de compétitions dans une saison semble permettre aux compagnies, comme la Fédération internationale de football association (FIFA) et l’Union européenne de football association (UEFA), de générer plus d’argent. Que ce soit l’instauration de la Ligue des nations ou bien l’augmentation du nombre d’équipes (de 32 à 48) pour la Coupe du Monde 2026, le but premier de ces institutions est de se remplir les poches. Cette technique, qui désire laisser place au spectacle, met la santé des joueurs en péril et les clubs en difficulté. 

En Premier League seulement, avec la récente blessure d’Erling Haaland, la ligue compte 100 joueurs blessés. Parmi ces 100 athlètes, 45 d’entre eux évoluent pour des équipes qui rivalisent dans les différentes compétitions européennes (Manchester City, Arsenal, Manchester United, Newcastle, Liverpool, Brighton, Aston Villa et West Ham United). La perte de ces joueurs handicape fortement ces équipes sur le terrain. 

La Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (FIFPRO) et le syndicat mondial des joueurs, lutte depuis quelque temps pour que des structures soient mises en place afin de limiter la charge de travail des joueurs. Cette association connaît bien les risques de la charge de travail en une saison et c’est pour cette raison que dans son rapport, elle met en garde la FIFA à propos des risques de blessures, de la régression du niveau de performances, des dangers pour la longévité des carrières sportives et de la santé mentale. La FIFPRO incite fermement la FIFA à instaurer une pause d’un mois minimum entre les saisons et d’ajouter un repos de deux semaines en milieu de saison. 

Les joueurs et entraîneurs s’expriment

Plus tôt en début de saison, l’entraîneur de Manchester City, Pep Guardiola, laissait savoir son mécontentement par rapport au calendrier surchargé. Au-delà des problèmes physiques, c’est au niveau mental de ses joueurs que Guardiola remarque des difficultés. En effet, lors de la saison 2022-2023, l’équipe mancunienne a joué jusqu’au 10 juin et était de retour sur les terrains pour préparer celle de 2023-2024 en mi-juillet, un concept que l’instructeur espagnol peine à comprendre. 

Les joueurs sont épuisés mentalement. On finit la saison, on récupère deux semaines et on se prépare pour la présaison. Pourquoi? Nous n’avons rien perdu la saison dernière.

Pep Guardiola, The Guardian, 5 août 2023

Le milieu de terrain Rodri est du même avis que son entraîneur. Ayant joué 68 matchs toutes compétitions confondues l’an dernier, selon lui, avec les saisons qui s’élargissent annuellement, il est primordial de prendre soin de son corps. En tant que joueur, il sait qu’il doit faire attention, car au fur et à mesure qu’il vieillit il sera difficile de suivre ce rythme. 

L’important pour moi, c’est que l’équipe comprend la situation. Oui maintenant je suis jeune, mais à 30 ou 31 ans je ne serai probablement pas capable de participer à autant de parties. 

Rodri, The Athletic, 9 août 2023

Les retombées de la Coupe du Monde

Dans son rapport concernant le soccer européen en 2022-2023, le groupe d’assurance Howden a révélé que la Coupe du Monde 2022 au Qatar a fait en sorte que les joueurs blessés des cinq meilleures ligues européennes (Premier League, Ligue 1, Liga, Bundesliga et Serie A) passaient, en moyenne, huit jours de plus à l’infirmerie. Avant cette compétition, la moyenne de temps que les athlètes passaient sur la touche était de 11,35 jours. Ce nombre augmente à 19,41 après le tournoi.

De plus, l’étude a démontré que 44% de ces joueurs ont connu une hausse de fatigue physique, 23% d’entre eux étaient plus fatigués mentalement et 53% étaient plus à risque de subir une blessure. Durant cette dernière saison, il y a eu 3 985 blessures à travers les cinq meilleurs championnats d’Europe. L’augmentation du nombre de blessures a engendré un impact financier aux équipes, qui au total, ont déboursé 704,89 millions d’euros (1,05 milliard de dollars canadiens) durant l’absence de leurs joueurs.

La différence des époques en chiffres

Il n’y a pas si longtemps, quand le football n’était pas autant une question d’argent, les joueurs jouaient beaucoup moins de parties. Les statistiques de la FIFPRO portant sur la saison 2022-23 ont été publiées le 5 juin dernier. Elles démontrent que les joueurs actuels passent beaucoup plus de temps à fouler les terrains comparativement aux footballeurs de l’époque.

À l’âge de 22 ans, Vinícius Jr a 18 876 minutes de jeu à son actif, soit plus que le double de Ronaldinho au même âge, un autre ailier brésilien. Pedri, milieu du FC Barcelone, à 20 ans, a été sur le terrain plus de 12 000 minutes, ce qui équivaut à environ 25% de plus que son entraîneur actuel, Xavi, au même âge. Le capitaine de l’équipe de France, Kylian Mbappé, a été en action pendant 26 952 minutes, donc 48% de plus que Thierry Henry à 24 ans. Puis, l’Anglais Jude Bellingham, à ses 20 ans, dépasse le temps de jeu de Wayne Rooney, au même âge, de 30%. Sans compter les heures investies à l’entraînement, qui ne sont pas incluses dans ces statistiques.