Il faut qu’on parle de Cole Caufield
Tôt ou tard, les partisans des Canadiens de Montréal vont devoir se rendre à l’évidence, Cole Caufield est trop petit pour le type de joueur qu’il est et son potentiel se limite au top 9 d’une formation de la LNH. Le Championnat mondial junior n’est d’ailleurs pas la seule preuve de cela.
Lorsque les Canadiens ont jeté leur dévolu sur l’Américain Cole Caufield au 15e rang du repêchage de 2019, plusieurs ont crié au vol, en affirmant que le petit attaquant aurait dû être sélectionné bien plus tôt et allait régler les problèmes à l’attaque du CH. Il n’y avait jusque-là pas de raison de ne pas croire que cela arriverait. Après tout, peu importe où il est passé, Caufield a trouvé le moyen de faire scintiller la lumière rouge plus de fois qu’à son tour. 44 buts en 40 matchs avec l’équipe américaine U17, 72 buts en 54 matchs l’année suivante avec l’U18 et 19 buts et 36 points en 36 matchs à sa première saison dans la NCAA, l’an dernier.
Puis, est arrivé le Championnat du monde junior 2020, où Caufield, en cinq parties, a récolté… un maigre total d’un but et une passe, en étant pratiquement invisible tout au long du tournoi. C’est là que le doute a commencé à s’installer dans la tête de plusieurs, mais ce doute aurait dû exister depuis plus longtemps. La raison est simple et peut sembler clichée, mais est bien réelle : Caufield est trop petit pour être un buteur dominant dans la LNH.
Ovechkin dans le corps de St-Louis
Le gros problème de Cole Caufield, c’est son style de jeu. Il est un marqueur pur, c’est-à-dire qu’avec la rondelle, il va toujours être en mesure de trouver une manière de marquer. La clé, c’est toutefois qu’il doit justement avoir la rondelle. Il a donc besoin de jouer avec des coéquipiers qui seront en mesure de lui donner lorsqu’il sera bien positionné, car ce n’est pas le genre de joueur à réaliser des montées à l’emporte-pièce ou à déjouer trois joueurs en zone adverse. Le style de jeu de Caufield est très similaire à celui d’Alex Ovechkin ou David Pastrnak. Toutefois, Caufield ne mesure que 5 pieds et 7 pouces et ne pèse que 162 livres. Ce gabarit n’est pas celui d’un marqueur de 50 buts et n’est même pas celui d’un marqueur évoluant sur un premier trio.
Le problème, je le rappelle, n’est pas la grosseur de Caufield. Martin St-Louis a été l’un des meilleurs joueurs de sa génération à 5 pieds et 8 pouces et Johnny Gaudreau est un excellent joueur de premier plan à 5 pieds et 9 pouces. Le problème est que St-Louis et Gaudreau ont un style de jeu plus axé sur la fabrication de jeu et le contrôle de la rondelle. Les deux ont rarement marqué plus de 30 buts dans une même saison, mais ont eu plusieurs campagnes de presque un point par match ou mieux. Caufield, lui, n’a cependant qu’une seule corde à son arc, soit sa capacité de marquer des buts. J’ai donc compilé les informations et statistiques des meilleurs marqueurs du circuit l’an dernier, grâce à NHL.com et hockeydb.com, pour constater que non seulement ceux-ci avaient un plus gros gabarit, mais avaient également presque tous connu au moins un championnat du monde junior à un point par match ou mieux.
Joueur | Taille | Poids | Buts | Meilleur CMJ |
David Pastrnak | 6′ 00″ | 194 lbs | 48 | 2015 (1 buts, 7 pts en 5 matchs) |
Alex Ovechkin | 6′ 03″ | 236 lbs | 48 | 2005 (7 buts, 11 pts en 6 matchs) |
Auston Matthews | 6′ 03″ | 220 lbs | 47 | 2016 (7 buts, 11 pts en 7 matchs) |
Leon Draisaitl | 6′ 02″ | 208 lbs | 43 | 2013 et 2014 (2 buts, 6 pts en 6 matchs) |
Mika Zibanejad | 6′ 02″ | 208 lbs | 41 | 2012 (4 buts, 5 pts en 6 matchs) |
Kyle Connor | 6′ 01″ | 182 lbs | 38 | N’a jamais participé |
Sebastian Aho | 6′ 00″ | 176 lbs | 38 | 2016 (5 buts, 14 pts en 7 matchs) |
Dans le cas de Matthews et de Connor, il est possible de pousser la comparaison encore plus loin, puisqu’ils sont tous les deux passés par le programme de développement américain et ont été meilleurs que Caufield au niveau des points avec l’équipe U18. Connor a également joué une saison pour l’université du Michigan, où il a obtenu 71 points, dont 35 buts, en 38 matchs.
Encore des difficultés cette année
Caufield connaît pourtant un excellent début de saison dans la NCAA, avec 12 points en autant de rencontres. Il est l’un des meilleurs attaquants de la ligue et est dominant sur plusieurs aspects. Considérant que les joueurs sont plus gros que dans d’autres ligues juniors, comme les ligues canadiennes, comment expliquer cette domination, si son gabarit est supposé poser problème? La réponse est la vitesse. La NCAA est une ligue dans laquelle le jeu est vraiment plus lent que dans le junior canadien ou la LNH. Il est donc plus facile pour Caufield d’être créatif et d’être dominant sur d’autres aspects du jeu. Toutefois, pour une deuxième année de suite, il devient moins visible au Championnat junior, un tournoi où l’action est encore une fois plus rapide que dans la NCAA.
On le voit bien cette année, Caufield peut être créatif avec la rondelle et est en mesure de bien se positionner pour créer des chances de marquer. Il n’est toutefois jamais en mesure de les concrétiser puisqu’il est étroitement surveillé ou laissé à l’extérieur du jeu par un système défensif plus hermétique. Son petit gabarit fait également en sorte qu’il n’a pas une très longue portée et l’empêche de facilement gagner ses batailles à un contre un le long des bandes. Pour les mêmes raisons, il n’est pas dangereux alentour du filet adverse puisqu’il peut aisément se faire déplacer par les défenseurs adverses. Prenons l’exemple de son superbe deuxième but en match préparatoire contre la Finlande. J’ai de la difficulté à croire qu’il marque ce but s’il est surveillé par Victor Hedman ou si c’est Brent Burns qui l’attend devant le filet.
Un marqueur de 30 buts
Il n’y a pas de doute, l’espoir du CH peut marquer des buts. Il l’a démontré à plusieurs reprises, et ce, partout où il est passé. Il n’a toutefois pas encore démontré qu’il était capable de marquer 50 buts et d’afficher des statistiques d’un futur joueur de premier trio. À l’avenir, Cole Caufield pourrait très bien être un marqueur régulier de 30 buts, être très efficace sur une troisième ligne et prendre la place d’un ailier blessé sur la deuxième ligne. Il aura son poste sur l’avantage numérique et y sera très productif, mais s’il se retrouve à affronter les meilleurs défenseurs adverses soir après soir, sa production offensive sera très diminuée.
Je me trompe peut-être et tant mieux pour Montréal si c’est le cas. Toutefois, il y a rarement eu des joueurs du gabarit de Caufield qui ont produit au rythme que l’on attend de lui dans l’histoire de la LNH. Ce n’est tout simplement pas possible.