Incursion dans les bases partisanes de la LNH — partie 3
Même si l’organisation des Blue Jackets de Columbus n’a cessé de donner à ses partisans des raisons de se frustrer, ceux-ci sont plutôt demeurés fidèles et ont trouvé du positif là où ils pouvaient. C’est donc une aura positive qui se dégageait de cette base partisane, malgré une 28e place au classement général de la LNH.
Être unis à travers la déception, voilà un concept assez particulier qui, a priori, n’a pas nécessairement de sens. La déception et la frustration de voir une équipe sous-performer avec un entraîneur qui semble vouloir ruiner celle-ci est souvent plus qu’assez pour que le partisan moyen abandonne tout simplement, qu’il arrête de regarder les matchs et qu’il commence déjà à regarder vers le prochain mois d’octobre alors que nous sommes toujours en mars. C’est la réaction et le sentiment auxquels je m’attendais lorsque j’ai commencé à couvrir les partisans des Blue Jackets, justement, en mars. Cependant, c’est cette unité à travers la déception qui émanait de la twittosphère de ces partisans. Ceux-ci étaient conscients que leur équipe ne serait pas des séries éliminatoires et, au lieu de l’abandonner, sont plutôt restés solidaires, se concentrant sur le peu de positif qu’ils pouvaient trouver dans les matchs et sur le futur de la formation.
Les Blue Jackets ont d’ailleurs été l’une des premières équipes à permettre aux partisans d’assister aux matchs cette saison, avec une capacité d’accueil de 10% dès le début du mois de mars. Dans la victoire comme dans la défaite, les partisans répondaient présents et ont soutenu leur équipe et les joueurs qui n’avaient pas nécessairement toujours l’air de prendre plaisir à jouer.
Au travers de ces deux mois de déception, plusieurs évènements sont cependant survenus et ont été longuement discutés sur les réseaux sociaux. C’est donc à travers les échanges de Pierre-Luc Dubois, de David Savard et de Nick Foligno, le départ de John Tortorella et la signature de Yegor Chinakov que j’ai pu observer réellement à quel point les partisans des Blue Jackets sont unis.
Tortorella : à la fois détesté et adoré
Je ne vous mentirai pas, j’avais extrêmement hâte de découvrir comment les partisans des Jackets voyaient l’entraîneur-chef John Tortorella. L’Américain au caractère bouillant était loin de faire l’unanimité à travers les partisans des autres équipes en raison de ses conférences de presse parfois beaucoup trop expéditives, de ses sautes d’humeur et de ses décisions controversées. Pour clouer Pierre-Luc Dubois et Max Domi au banc, il faut avoir du cran et il faut surtout avoir confiance en ce système de méritocratie que l’on tente d’implanter. Tortorella avait raison d’avoir confiance en ce système puisque c’est lui qui avait permis aux Blue Jackets de balayer le Lightning de Tampa Bay en 2019 et d’éliminer les Maple Leafs de Toronto en 2020.
Cette année, cependant, les résultats n’étaient pas au rendez-vous. À l’inverse, les Blue Jackets continuaient de s’enliser vers les bas-fonds du classement de la division Centrale.
Les réactions des partisans étaient ainsi celles qui étaient attendues. On réclamait le congédiement de Tortorella, on croyait qu’il allait empêcher Columbus de recruter des joueurs de talent et on voyait sa présence derrière le banc comme un élément de division dans le vestiaire. On pouvait presque ressentir une haine collective envers cet homme, que l’on blâmait pour les départs des super vedettes comme Artemi Panarin et Sergei Bobrovsky.
Néanmoins, il y avait toujours une ou deux personnes qui rappelaient que certains joueurs avaient déjà exprimé à quel point ils appréciaient évoluer sous ses ordres et c’est étrangement cette dernière vision qui est ressortie lorsque le départ de Tortorella a été annoncé. Les partisans ont été nombreux à remercier l’entraîneur et à souligner justement à quel point il était plus apprécié des joueurs que l’on pouvait croire.
Le personnage polarisant de John Tortorella est ainsi passé d’ennemi public numéro un à héros respecté.
Les partisans étaient toutefois unanimes, il était temps de passer à autre chose, et le système de Tortorella, aussi bon soit-il, ne fonctionnait pas avec l’équipe qu’alignait Columbus. Malgré le bon travail et la bonne volonté des joueurs de profondeur, ceux-ci manquent simplement de talent pour pouvoir bien performer dans un système de méritocratie. Si les Jackets veulent gagner, ils ont besoin de leurs meilleurs joueurs sur la glace.
Des transactions qui font jaser
Après le congédiement de John Tortorella, le moment de la saison de Columbus dont il faut parler est évidemment la transaction monstre qui a envoyé Pierre-Luc Dubois aux Jets de Winnipeg en retour de Patrik Laine et de Jack Roslovic. Il s’agissait d’un échange de problèmes pour les deux équipes alors que Dubois et Laine n’arrivaient plus à produire dans leur environnement respectif et que Roslovic avait tout bonnement refusé de jouer à Winnipeg.
Cet échange a somme toute été bien reçu par les partisans des Jackets. Ceux-ci voyaient l’ajout d’un marqueur au potentiel de Laine être exactement ce qu’il manquait à l’alignement de leur équipe. Sacrifier un joueur de centre de la trempe de Dubois faisait mal, mais il n’était clairement plus heureux à Columbus. Ainsi, plutôt que de s’enrager du départ de Dubois, les partisans ont appréhendé avec beaucoup d’optimisme la venue des deux joueurs des Jets. Si Laine a été un peu décevant, ne marquant que dix buts avec sa nouvelle équipe et passant beaucoup de temps, lui aussi, cloué au banc par Tortorella, les performances de Roslovic ont eu de quoi faire sourire les amoureux de hockey de l’Ohio. Avec 34 points, dont 12 buts, en 48 matchs, le joueur justement originaire de Columbus a démontré qu’il pouvait être bien plus qu’un simple joueur de profondeur, rôle dans lequel il était confiné avec les Jets. Avec un contrat de deux ans en poche, Roslovic sera de retour avec les Jackets l’an prochain. Pour ce qui est de Laine, il a montré un intérêt à demeurer à Columbus, chose que les partisans espèrent voir se réaliser, considérant le prix que leur équipe a dû payer pour acquérir ses services.
Les autres échanges majeurs n’ont cependant pas été aussi bien reçus par la base partisane. À la date limite des transactions, les Jackets ont échangé deux des joueurs les plus appréciés à Columbus, soit le capitaine Nick Foligno et le défenseur David Savard. Le premier a pris la destination de Toronto, alors que Savard est parti rejoindre le Lightning. Ces deux échanges ont été les derniers clous dans le cercueil de la saison des Blue Jackets et c’est à partir de ce moment que les partisans ont entièrement cessé de croire aux chances de l’équipe de faire quoi que ce soit de bon jusqu’à la fin de la saison. Ceux-ci se sont donc tournés vers les Maple Leafs afin d’encourager leur ancien capitaine, qui évoluait à Columbus depuis 2012.
On a pu ressentir à quel point cette perte était lourde pour les Blue Jackets lorsque des images du gardien Elvis Merzlikins se donnant lui-même un câlin après une victoire se sont mises à circuler sur les réseaux sociaux. Cet enlacement de la victoire était une tradition que le gardien partageait habituellement avec Foligno. Les partisans ont été nombreux à envoyer de l’affection à Merzlikins, lui qui a même pu « enlacer », à travers la baie vitrée, une jeune partisane s’étant proposée en remplacement de l’ancien capitaine. Ce geste représentait à la perfection l’amour qu’ont les partisans pour les joueurs de leur équipe et à quel point la perte de Foligno était ressentie jusque dans les gradins.
Les yeux tournés vers l’avenir
Elvis Merzlikins fait justement partie de ce noyau de joueurs qui représentent l’avenir de l’équipe. Même s’il a déjà 27 ans, le Letton n’a que deux saisons d’expérience dans la LNH. Il fait pourtant partie du noyau des Blue Jackets et semble manifestement être le gardien de confiance pour le futur de l’équipe. Son éthique de travail et son implication, tant au sein de l’équipe que de la communauté, sont vantées tant par ses coéquipiers que par les partisans. Il n’est pas difficile de se faire apprécier à Columbus. Les joueurs sont les idoles du public et ils lui tiennent à cœur. Merzlikins est cependant à un autre niveau. Il est incontestablement le joueur le plus adoré de l’équipe et, même lorsqu’il connaît de mauvaises performances, les partisans ne lui en tiennent pas rigueur. En fait, c’est plutôt l’inverse qui se produit alors que nombreux ont été les partisans qui ont écrit des messages d’excuse sur Twitter, en mentionnant au gardien de but qu’ils étaient en pensées avec lui et que celui-ci n’allait bientôt plus avoir à tenir le fort tout seul, le remerciant au passage de toujours se présenter et de donner son 100% malgré l’alignement de qualité moindre qui se trouvait devant lui.
La présence de Merzlikins au sein de l’équipe et, particulièrement, devant le filet est l’une des raisons pour lesquelles les partisans des Jackets sont optimistes quant au futur de leur équipe. L’émergence d’Oliver Bjorkstrand, le potentiel de Patrik Laine et le retour en santé de Zach Werenski sont également des signes encourageants pour les prochaines saisons. Le groupe d’espoirs n’est pas le plus reluisant de la LNH, mais avec des noms comme Emil Bemström, Mikko Lehtonen et, surtout, Yegor Chinakov, il y a de quoi être excité. La signature de Chinakov a d’ailleurs été grandement saluée par les partisans. Columbus avait surpris tout le monde en sélectionnant le Russe au premier tour du dernier repêchage, mais ses performances en KHL cette saison et sa contribution à la conquête de la Coupe Gagarin par l’Avangard d’Omsk ont convaincu les sceptiques qu’il avait ce qu’il fallait pour avoir un impact dans la LNH. Il ne faut pas non plus oublier que Columbus repêchera au cinquième rang lors de la prochaine séance de repêchage, ce qui devrait permettre à l’équipe d’ajouter un autre espoir de qualité à sa banque.
Non, ce n’était pas toujours rose chez les partisans des Blue Jackets durant les deux mois où je les ai observés. Il y a eu des moments où ils étaient plus que déçus des performances et des décisions de l’organisation. Cependant, c’est leur amour pour les joueurs, leur unité et leur optimisme qui ressortaient plus que n’importe quoi d’autre. Certes, Columbus est un petit marché où les attentes sont minimes, mais il est intéressant de voir à quel point les mauvaises performances et les déceptions ont un effet diamétralement opposé à celui qu’elles créent dans de plus gros marchés, comme Montréal. Il est d’ailleurs permis de croire qu’un entraîneur comme John Tortorella n’aurait pas fait long feu chez les Canadiens s’il avait décidé de clouer Jeff Petry et Nick Suzuki au banc des joueurs pendant toute une période.
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