Repêcher selon les besoins : une stratégie gagnante?
À l’approche du repêchage de la Ligue nationale de hockey (LNH), un débat annuel émerge inévitablement : les dirigeants devraient-ils sélectionner le meilleur joueur disponible, toutes positions confondues, ou en fonction des besoins de leur équipe?
Bien que la plupart des directeurs généraux affirment repêcher selon le potentiel des espoirs, certaines équipes, de toute évidence, se laissent séduire par la position à laquelle ils évoluent.
Cette façon d’opérer est souvent dépeinte comme étant répréhensible, mais est-ce vraiment le cas? Replongeons dans le passé pour déterminer si cette stratégie peut porter fruit.
L’expérience des Canadiens
L’été dernier, Kent Hughes, directeur général du Tricolore, a été soupçonné par certains d’avoir sélectionné le défenseur droitier David Reinbacher en grande partie en raison de à sa position. Marc Bergevin, le prédécesseur de Hughes à la tête du CH, semble lui aussi avoir été charmé par ce facteur à plus d’une reprise lors de son règne.
Jesperi Kotkaniemi (3e choix, 2018)
Les Canadiens cherchaient à acquérir un vrai premier centre depuis plusieurs années, et, à l’époque, la direction de l’équipe plaçait ses espoirs en Jesperi Kotkaniemi pour combler ce besoin. Après un passage de trois saisons en montagne russe à Montréal, Kotkaniemi a été la cible d’une offre hostile des Hurricanes de la Caroline et a quitté la métropole. La sélection du centre finlandais semble d’autant plus regrettable lorsque l’on considère que Brady Tkachuk et Quinn Hughes ont tous deux entendu leur nom être appelé quelques minutes plus tard.
Le même soir, le centre Barrett Hayton fut repêché au cinquième rang par l’Arizona. Richard Morin, qui écrit pour les Coyotes, estimait alors que la position de Hayton avait fortement pesé dans la balance lors du processus de sélection. L’organisation regrette fort probablement cette décision aujourd’hui.
Hayton est une personnalité premium, un joueur premium, évoluant à une position premium.
John Chayka, directeur général des Coyotes, 22 juin 2018
Mikhail Sergachev (9e choix, 2016)
Il hante les Canadiens aussi bien qu’il brille au sud de la frontière avec le Lightning de Tampa Bay. Deux coupes Stanley plus tard et avec un contrat de 68 millions de dollars en poche, Mikhail Sergachev était le choix à faire pour Montréal, qui cherchait à trouver un partenaire gaucher pour P.K. Subban. Toutefois, un an plus tard, aucun d’eux ne faisait partie de l’organisation. En rétrospective, la sélection de Sergachev ne peut être remise en question ; l’erreur s’est produite lors de son échange au Lightning en retour de Jonathan Drouin.
Échec à Vancouver
Olli Juolevi (5e choix, 2016)
Quelques rangs avant Sergachev, les Canucks ont eux aussi misé sur un défenseur issu de la Ligue de hockey de l’Ontario.
Dans un texte datant de janvier 2016, Daniel Wagner, affecté à la couverture des Canucks, préconisait la sélection d’un défenseur au repêchage.
Quel est le plus grand besoin du système des Canucks à l’heure actuelle ? Cela devrait être évident : la défense. (…) Ce qui leur manque, c’est un espoir de premier plan à la ligne bleue.
Daniel Wagner, Vancouver is Awesome, 22 janvier 2016
L’auteur de l’article énonçait les noms de Hunter Shinkaruk, Cole Cassels, Brendan Gaunce, Lukas Jasek et Dmitry Zhukenov pour témoigner de l’abondance de talent à l’avant. Huit ans plus tard, ces cinq attaquants n’ont cumulé que 15 buts au total dans la LNH.
Lors du repêchage, les Canucks ont jeté leur dévolu sur Juolevi au cinquième échelon, alors que son coéquipier chez les Knights de London, Matthew Tkachuk, sera sélectionné avec le choix suivant par les Flames de Calgary. Les Coyotes choisissent quant à eux l’ailier Clayton Keller avec le septième choix.
Sans regret
Olli Juolevi était voué à un brillant avenir à Vancouver, mais les choses se sont déroulées autrement. D’autres sélections semblables ont toutefois été en mesure de faire mentir leurs détracteurs.
Moritz Seider (6e choix, 2019)
Alors que plusieurs considéraient Moritz Seider comme un espoir de milieu de première ronde, Steve Yzerman et les Red Wings de Detroit ont vu en lui le meilleur défenseur disponible. Le principal intéressé semblait lui-même assez étonné d’être sélectionné si tôt, au 6e rang.
Ultimement, nous avons regardé les centres disponibles et les défenseurs disponibles. Nous avons choisi d’y aller pour un défenseur
Steve Yzerman, directeur général des Red Wings, 21 juin 2019
Detroit souhaitait visiblement s’assurer de renforcer le côté droit de leur brigade défensive, puisqu’ils ont fait de Antti Tuomisto, un arrière droitier, leur deuxième choix au repêchage. Bien que ce dernier ne semble pas destiné à devenir un joueur régulier dans la LNH, les Wings peuvent se consoler en regardant les performances de leur nouveau général à la défense, Moritz Seider, nommé recrue de l’année en 2022.
Sean Monahan (6e choix, 2013)
Certaines équipes cherchent à acquérir un certain type de joueur. Les Flames ont déjà mentionné qu’ils souhaitent ajouter un gros centre à leur système. Si Barkov n’est pas disponible, le prochain sur la liste est Sean Monahan, donc j’imagine que ce sera le choix des Flames.
Stu MacGregor, Oilers Now, 7 mai 2013
Stu MacGregor avait vu juste, puisque quelques semaines plus tard, Monahan endossait le chandail des Flames au repêchage.
Malgré la transaction l’envoyant ultimement, lui et un choix de premier tour, à Montréal en retour de considérations futures, Sean Monahan s’est avéré être un excellent choix pour les Flames. Avant que des blessures importantes le rattrapent et entachent sa carrière, il fut, le temps de quelques saisons, le premier centre costaud et intelligent que l’organisation albertaine tentait d’obtenir depuis très longtemps.
Au terme de sa quatrième saison dans la grande ligue, Monahan trônait au sommet de la liste des pointeurs au sein de la cuvée de 2013, devant Nathan MacKinnon et Aleksander Barkov. En 2018-2019, il a récolté 82 points en 78 rencontres, le classant au douzième rang des pointeurs parmi les centres de la LNH.
Son départ de Calgary a laissé un goût amer à l’organisation et ses partisans, mais Sean Monahan était le choix à faire en 2013.
Bilan mitigé
Sélections justifiables : Moritz Seider (2019), Mikhail Sergachev (2016), Sean Monahan (2013)
Sélections critiquables : Jesperi Kotkaniemi (2019), Barrett Hayton (2019), Olli Juolevi (2016)
Évidemment, plusieurs joueurs qui auraient pu figurer sur cette liste ont été omis, et il est parfois difficile d’affirmer de manière catégorique qu’une équipe a sélectionnée un espoir en raison de sa position. Toutefois, selon les données rapportées, le bilan n’est peut-être pas aussi négatif que prévu.
Repêcher en fonction des besoins demeure un risque, mais une sélection réussie comble presque instantanément une lacune au sein de l’équipe.