Coupe du monde 2022 : Spectacle, révélations et parité
La poussière engendrée par le spectacle effarant au Qatar est retombée. Une semaine s’est écoulée depuis la fin du Mondial de soccer 2022. L’Argentine de Lionel Messi a remporté le trophée de la Coupe du monde, tandis que la France est passée toute proche de leur arracher dans une finale historique. Bien d’autres facteurs sont venus alimenter le déroulement de ce Mondial, entaché par les drames, mais qui s’avère tout de même une réussite sportive.
Messi remporte le Graal, Mbappé rentre bredouille
Lionel Messi et Kylian Mbappé (deux coéquipiers au PSG) en grande forme, six buts, trois penaltys, des arrêts sensationnels, une prolongation hallucinante et une séance de tirs au but fatidique, les téléspectateurs ont eu droit à toute une finale. Ceux-ci ont d’ailleurs répondu plus que présents en établissant des records de cotes d’écoute partout sur la planète. Pour plusieurs, il s’agit de la meilleure finale de tous les temps en Coupe du monde si ce n’est l’un des meilleurs matchs sportifs de l’histoire. Ce dernier s’est conclu par la marque de 3 à 3 (4-2 aux tirs au but) en faveur de l’Argentine, au stade de Lusail.
Les vedettes de chaque côté ont brillé. Lionel Messi, âgé de 35 ans, a marqué ses 6e et 7e buts de la compétition tout en participant activement à presque toutes les actions offensives des sud-américains. Toutefois, le prodige français, Kylian Mbappé, 23 ans (maintenant 24), a montré qu’il était prêt à prendre la place de La Pulga sur le toit du monde avec un tour du chapeau en finale. Il s’agit de son quatrième but en deux finales de Mondial et de sa 12e réalisation dans la compétition. Mais Messi et sa bande ont eu le meilleur sur le jeune Mbappé, le petit numéro 10 argentin n’étant pas prêt à quitter sa place sur le trône.
Pour mener l’Albiceleste à leur troisième sacre (1978, 1986 et 2022), Messi n’a pas agi seul. Effectivement, son fidèle comparse, Ángel Di María, a lui aussi délivré une performance épique. Il a d’abord provoqué le premier penalty, converti ensuite par Messi, puis il a lui-même marqué le deuxième but des siens, fabuleusement construit par Messi, Julián Álvarez et Alexis Mac Allister. Le gardien Emiliano Martínez a aussi joué un rôle crucial dans cette finale, lui qui a effectué un arrêt miraculeux en toute fin de prolongation face l’attaquant français, Randal Kolo Muani. Il a aussi stoppé le penalty de Kingsley Coman lors de la séance de tirs au but. Ces accomplissements durant le tournoi lui ont valu le Gant d’or, remis au meilleur gardien de la compétition. Dominik Livaković (Croatie) et Yassine Bounou (Maroc) auraient également mérité cet honneur.
Quant à lui, Kylian Mbappé quitte le Qatar avec une médaille d’argent et le Soulier d’or, remis au meilleur buteur du tournoi (8 buts), tandis que Enzo Fernández (Argentine – 21 ans) s’empare du prix remis au meilleur jeune du Mondial. Pour ce qui est du Ballon d’or de cette grandiose Coupe du monde, la FIFA n’avait d’autres choix que de le remettre au déjà légendaire, Lionel Messi. Celui-ci termine la compétition avec 7 buts et 3 passes décisives en 7 rencontres en plus d’avoir marqué à chacun des stades du tournoi. Après toutes ces années, les Argentins ont enfin pu mettre Messi dans les meilleures dispositions pour qu’il puisse laisser libre cours à sa créativité et sa magie. Résultat : l’Argentine est championne du monde et Messi peut enfin célébrer une Coupe du monde.
Des puissances échouées et des sous-estimés transportés
Encore une fois, les partisans du ballon rond ont eu droit a beaucoup de spectacle dans cette compétition. Outre ce dernier match complètement fou, déjà considérée comme la meilleure finale de tous les temps de par ses péripéties dantesques, cette Coupe du monde a offert d’autres rencontres au sommet entre de grandes nations. Par exemple, France – Angleterre (2-1), Espagne – Allemagne (1-1) ou encore Argentine – Pays-Bas (3-2 aux tirs au but) ont tous offert leur lot de fantaisie. Or, ce qui a le plus marqué cette édition, ce sont les performances de certains négligés et l’écroulement de certaines grosses pointures.
En effet, plusieurs underdogs on fait trembler la planète soccer en créant de très grosses surprises. On a bien des exemples dans ce tournoi : l’Arabie Saoudite qui bat l’Albiceleste ou encore la Croatie qui surprend une fois de plus en obtenant la médaille de bronze. Il faut aussi souligner le Japon qui a terminé au premier rang de son groupe. Leurs compatriotes sud-coréens se sont également qualifiés devant l’Uruguay et le Ghana. La plus grande et belle surprise de ce Mondial reste le Maroc. Ils ont offert du jeu inspiré offensivement, tout en étant extrêmement solide derrière, accordant seulement cinq buts dans tout le tournoi, ce qui constitue la meilleure défense de la compétition. Les Marocains ont même décroché une vaillante quatrième place, après être parvenu au carré d’as, devenant ainsi le premier pays africain de l’histoire à le faire.
Comme le dit le dicton, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Dans cette Coupe du monde, ce sont les puissances ou les équipes que l’on tenait en haute estime qui se sont écroulées. En tête de liste, on retrouve la Belgique de Kevin De Bruyne, Thibaut Courtois et Romelu Lukaku, qui n’a jamais su trouver son rythme ni son identité dans ce groupe F. Les Diables rouges n’ont récolté qu’une seule victoire en trois rencontres. C’était une courte victoire de 1 à 0 contre le Canada qui méritait mieux dans ce match. L’Allemagne est une autre grande déception, celle-ci ne parvenant pas à se qualifier en phase éliminatoire pour un deuxième Mondial de suite. Malgré qu’elle figurait dans un groupe E compliqué, cela n’est pas censé se produire avec un effectif débordant de talent comme la Mannschaft.
Les partisans danois et uruguayens ont également assisté à des éliminations poussives de leurs sélections, sans parler de l’Espagne et du Brésil. Pour ce qui est de la Roja, plusieurs les regardaient de haut après leur victoire de 7 à 0 contre le Costa Rica. Or, leur niveau de jeu a semblé aller en pente descendante durant leur tournoi, au point d’être complètement muselé face au Maroc en huitièmes de finale. En ce qui concerne la Seleção, se fut un gros choc pour le monde du ballon rond de les voir s’effondrer en quarts de finale après avoir dominé la Croatie tout le match. Néanmoins, le sport peut être cruel et les tirs au but ont bien servi les Croates, tout comme leur portier Livakovic, fantastique contre le Brésil.
L’une des choses qui est le plus ressorti de ce tournoi, c’est la parité. Le nombre de surprises le montre bien, mais même dans le jeu des équipes sous-estimées ont prouvé qu’elles étaient véritablement capables de compétitionner tactiquement et physiquement avec les plus grandes nations. Le Maroc en est évidemment le plus grand exemple, les Lions de l’Atlas ayant battu coup sur coup l’Espagne et le Portugal avant de se rendre en demi-finales. Le Japon a aussi fait très bonne figure en battant l’Allemagne et l’Espagne avec un style de jeu non conventionnel mais pourtant efficace. Gardant très peu le ballon et le laissant allègrement à leurs adversaires, les Nippons misaient sur un bloc défensif compact et des contre-attaques éclaires et prolifiques.
Plusieurs autres équipes ont ont aussi donné beaucoup de fil à retorde à des équipes considérées bien plus fortes qu’eux sur papier. De plus, le talent se développe à vive allure dans des pays comme le Maroc ou même le Canada. Les amateurs de soccer ont ainsi réalisé que l’écart entre les grandes nations de haut niveau (Européennes et Sud-américaines principalement) et les sélections au potentiel émergent plus limité n’est pas si grand lorsque tout se joue sur un match. Une équipe qui joue très bien toutes ses cartes peut arriver à s’en tirer contre quasiment n’importe qui dans le soccer moderne. Le sport évolue et tend de plus en plus vers la parité.
Des révélations multiples
C’est le cas à chaque Coupe du monde, des jeunes (ou moins jeunes) joueurs méconnus se révèlent au monde entier. On se souviendra aisément de James Rodríguez (Colombie) en 2014 ou Mbappé en 2018 (lui qui était déjà bien connu). Dans cette édition au Qatar, Enzo Fernández a remporté le prix de la meilleure pépite du tournoi, mais plusieurs autres sensations l’ont imité. À commencer par son coéquipier, Julián Álvarez, auteur de quatre buts dans la compétition et ayant grandement aidé Messi dans l’animation offensive de l’Albiceleste de par son style remuant. Côté marocain, certains se sont aussi manifestés avec de sublimes performances, notamment Azzedine Ounahi (22 ans). Ce milieu de terrain possède une vision du jeu hors norme et s’en est bien servi durant le Mondial. Plus âgé et connu, son confrère de l’entrejeu, Sofyan Amrabat (26 ans) a aussi laissé parler son talent et ses capacités physiques de belle façon.
La Croatie a elle aussi fourni son lot de belles révélations. Le gardien du Dinamo Zagreb, Dominik Livaković, a été providentiel à plusieurs reprises. Le match contre le Brésil en est le parfait exemple. Impérial durant toute la rencontre et surtout aux tirs au but, Livaković est le grand titre de la défaite brésilienne. Un autre qui doit absolument être souligné, c’est le défenseur Joško Gvardiol. Âgé de seulement 20 ans, ce défenseur masqué (protection faciale) a été un roc en défense centrale, probablement le meilleur de la compétition à son poste. Il est certainement destiné à un brillant avenir tout comme Jamal Musiala (19 ans) de l’Allemagne, qui a réussi 19 dribbles en trois petits matchs, devancé uniquement par Kylian Mbappé (7 matchs), une statistique incroyable. Malheureusement pour Musiala, l’Allemagne ne s’est pas qualifiée pour la phase éliminatoire.
Une ère prend fin
Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, Luka Modrić, Manuel Neuer, Luis Suárez, ont-ils tous joué leur dernier match en Coupe du monde? Peut-être que certains d’entre eux auront encore la capacité et la volonté d’y participer en 2026. D’abord Messi, qui a répété plusieurs fois que la finale de dimanche dernier serait son dernier match sur la grande scène internationale. Or, il a souvent changé d’idée lorsqu’il s’agit de sa sélection nationale et il aura 38 ans lorsque le Mondial 2026 débutera, il pourrait encore être en grande forme à ce moment-là. Luka Modrić, 37 ans, semble inarrêtable, lui qui a une endurance remarquable, aura-t-il une dernière danse à offrir en Amérique du Nord? Quant à Cristiano Ronaldo, les larmes qui coulaient de ses yeux après la défaite du Portugal laissaient présager un adieu difficile, mais qui sait? Il aura cependant 41 ans lors du prochain tournoi. Neymar Jr et Kevin De Bruyne, quoique plus jeunes, pourraient aussi tirer leur révérence, ce que les partisans du ballon rond n’espèrent pas.
Alors qui prendra la relève? Par chance, plusieurs se sont proposés pour remplacer les irremplaçables. Bien sûr, Kylian Mbappé qui marque déjà l’imaginaire de la Coupe du monde avec deux finales disputées et un titre de champion du monde. Il a été phénoménal lors de ces deux participations et pourrait encore prendre part à deux, voir trois autres Mondial. Des records sont à sa portée. Les Espagnols Gavi et Pedri, Jamal Musiala, Jude Bellingham et Joško Gvardiol tenteront eux aussi de s’établir comme éléments phares de la plus prestigieuse des compétitions. Et pourquoi pas Erling Haaland? Le cyborg norvégien rêverait de participer à une Coupe du monde, lui qui ne veut pas se contenter d’exploits en club. Bref, c’est une ère qui se termine, mais les amateurs de soccer peuvent être confiants que la prochaine offrira aussi son lot de divertissement et de magie.