Le CF Montréal mérite son sort
Avec les victoires de Charlotte et des Red Bulls, ainsi que la défaite de 2-1 du CFM à Columbus samedi, Montréal a été éliminé des séries éliminatoires de la MLS. Cette défaite face au Crew s’est révélée crève-cœur. Mais ce n’est pas seulement dans ce match que le CF Montréal a échappé sa destinée.
Lors de cette dernière partie du calendrier régulier de la MLS, la troupe d’Hernan Losada, privé de Mathieu Choinière, avait pris les devants dès la 7e minute de jeu grâce au but de Sunusi Ibrahim, bien servi par Zachary Brault-Guillard. Or, cela n’a pas été suffisant pour neutraliser l’équipe de Wilfried Nancy, meilleure attaque de MLS. En effet, les buts de Cucho Hernandez et de Darlington Nagbe ont cloué le cercueil du CFM.
Néanmoins, jusqu’à la toute fin du Decision Day, les partisans montréalais croyaient aux chances de leur équipe d’accéder aux éliminatoires malgré la défaite. Charlotte et les Red Bulls avaient tous deux besoin d’une victoire pour se qualifier. Ainsi, l’équipe de la Caroline du Nord est parvenue à marquer tôt dans le match contre Miami et Messi, s’offrant le 9e rang dans l’Est. Du côté des Red Bulls (8e rang), ce n’est qu’à la toute fin du temps additionnel que John Tolkin a envoyé son club en séries grâce à un penalty. Ce but a du même coup recalé le CF Montréal en 10e position, hors du portrait éliminatoire.
En rendant visite à Columbus lors du jour de la décision, les probabilités de victoire du CFM étaient bien peu élevées, ayant obtenu seulement deux gains à l’étranger cette saison. Sans oublier que le domicile de Columbus est une véritable forteresse, le Crew y ayant subi la défaite qu’une seule fois lors de la présente campagne. De plus, la troupe de Nancy pouvait aussi s’adjuger le troisième rang du classement dans l’Est, lui permettant de sécuriser sa place en Coupe des Champions de la CONCACAF 2024. Bref, la formation de l’Ohio ne manquait pas de motivation.
Artisan de son propre malheur
Dans de telles circonstances, le CF Montréal pouvait difficilement espérer une récolte de trois points à Columbus. Cependant, dans d’autres situations en fin de saison, le Bleu-blanc-noir aurait pu améliorer son cas et ne l’a pas fait. Positionné au-dessus de la fameuse ligne rouge donnant accès aux séries éliminatoires alors qu’il restait neuf parties à jouer, le CFM a enregistré une victoire, cinq défaites et trois matchs nuls durant cette séquence. Assez médiocre pour une équipe qui bataillait pour sa survie.
Lors de cette séquence, deux rencontres en particulier ont hanté les cauchemars des partisans montréalais. D’abord, celle du 16 septembre au Stade Saputo contre le Fire de Chicago, match que le CF Montréal avait largement dominé au niveau des occasions de marquer, mais qui s’était terminé par un verdict nul de 0-0. Selon le site de statistiques avancées FotMob, les Montréalais ont enregistré 1,66 but attendu (expected goals) lors de cette partie, contre 0,38 pour le Fire. Autrement dit, le CFM aurait dû marquer 1,66 but selon cette statistique.
Toujours selon FotMob, le onze montréalais a obtenu six grandes chances de marquer, contre aucune pour Chicago. Lorsque l’on regarde les faits saillants de cette rencontre, il est plutôt facile de les identifier. Notamment une barre horizontale heurtée par George Campbell, deux ratés de Chinonso Offor et un but pratiquement désert manqué par Bryce Duke, qui a préféré tiré au ras du sol, directement là où le gardien Chris Brady se trouvait. Bref, aucun ballon n’a fait trembler les cordages ce soir-là.
Quelques jours plus tard, le 20 septembre, le CF Montréal accueillait cette fois-ci le FC Cincinnati, premier au classement de la MLS. Contre le cours du jeu, Kwadwo Opoku avait offert l’avance au CFM à la 53e minute. Montréal avait ensuite subi les attaques répétées de Cincinnati jusqu’aux arrêts de jeu. Puis, dans les derniers instants du match, le gardien Jonathan Sirois avait effectué une sortie mal calculée dans sa surface de réparation, provoquant un penalty, transformé par Luciano Acosta. Une faute terriblement dommage de la part de Sirois, d’autant plus qu’il avait été sublime dans ce match, tout comme dans l’ensemble de la saison. La rencontre face à Cincinnati s’était tout de même terminée 1-1, laissant un autre goût amer dans la bouche des Montréalais.
Le portier montréalais a été récompensé mardi en remportant le trophée remis au joueur défensif de la saison chez le CF Montréal, lui qui a récolté 11 jeux blancs en 33 matchs. Seuls Stefan Frei (Sounders de Seattle), Roman Celentano (FC Cincinnati) et Steve Clark (Dynamo de Houston) ont fait mieux que lui à ce chapitre.
Ces deux matchs nuls à saveur de déceptions représentent ainsi quatre points échappés par le CFM, sans parler des autres parties où le CF Montréal auraient pu aller chercher un meilleur résultat. Avec ces quatre points, la troupe de Losada serait en séries. Cela est facile à dire certes, mais n’empêche qu’à quelques détails près, le onze montréalais se retrouvait bel et bien au-dessus de la ligne rouge.
Une logique respectée?
Après avoir entamé la saison de façon horrible avec six défaites et seulement trois petits buts inscrits lors des sept premiers matchs, la formation montréalaise ne s’en est peut-être pas sortie si mal avec le 10e rang dans l’Est. Sans oublier que durant la précédente saison morte, le club s’est départi de Djordje Mihailovic, Alistair Johnston, Ismaël Koné et Kei Kamara. D’énormes morceaux de l’effectif, qui ont eu beaucoup de succès l’an dernier, mais qui n’ont pas vraiment été remplacés. À noter qu’au cours de la saison, les pertes de Kamal Miller (en retour de Duke et Lassiter) et de Rudy Camacho se sont ajoutées en défense. En attaque, l’addition de Opoku a été intéressante quoique tardive et la longue absence de Romell Quioto a grandement nui aux succès offensifs de l’équipe.
Faut-il également rappeler que le seul joueur désigné du club, Victor Wenyama, a passé la majeure partie de la deuxième moitié de saison sur le banc, alors que la plupart des autres équipes de MLS peuvent compter sur plus d’un joueur désigné. Tout ceci pour indiquer que l’effectif montréalais n’avait peut-être pas la profondeur ni le talent pour compétitionner dans le tournoi d’après-saison, sur papier du moins.
En se penchant sur quelques statistiques générales, l’analyse est simple : le CF Montréal ne méritait pas d’être en séries. Malgré 12 victoires, ce qui est mieux que Charlotte et les Red Bulls, le Bleu-blanc-noir a cumulé 17 défaites, soit le troisième pire rendement dans la ligue à ce chapitre, à égalité avec les Rapids du Colorado. Aussi, le onze montréalais a présenté un aberrant différentiel de buts de -16. Encore une fois, il s’agit du troisième pire rendement en MLS, à égalité avec le LA Galaxy cette fois-ci. À titre comparatif, New York a subi 13 défaites pour un différentiel de -3, tandis que Charlotte affiche un dossier de 11 défaites et un différentiel de -7.
Après tout, peut-être que la logique a été respectée.
Du positif dans le bilan
Il faut quand même retirer du positif de cette saison plutôt spéciale. Après une entame de campagne aussi atroce, le CF Montréal s’est redressé malgré tout. Puis, malgré une qualité d’effectif discutable, la troupe d’Hernan Losada a su rester dans le portrait des séries éliminatoires jusqu’à la toute fin du calendrier, ce que très peu d’experts et d’amateurs avaient prédit.
Au niveau de la progression des joueurs, le nouvel entraineur-chef a fait du bon travail. Nathan Saliba et Jonathan Sirois ont été les grandes révélations de cette saison. Le milieu de terrain de 19 ans en a impressionné plus d’un grâce à ses passes tranchantes dans le dos des défenseurs adverses. Quant à Sirois, le CFM aurait pu se retrouver bien plus bas au classement si ce n’avait pas été de ses nombreux arrêts sensationnels.
Ceci dit, le nom qui ressort le plus est celui de Mathieu Choinière. Véritable métronome dans l’entrejeu, Choinière a été l’homme à tout faire de Losada en plus d’être le meilleur buteur du club avec cinq réalisations (et cinq passes décisives). Un fait d’armes impressionnant pour un milieu de terrain, ce qui démontre tout de même une grosse faiblesse dans le secteur offensif montréalais. Mardi, le Québécois de 24 ans a reçu le trophée remis au joueur par excellence du club ainsi que le trophée Jason-Di-Tullio, remis au joueur ayant le plus démontré l’état d’esprit de « La Grinta ».
Plusieurs questions se manifestent à l’heure du bilan. Il sera d’abord intéressant de voir dans quel sens ira Olivier Renard. Avec les départs très probables de Quioto et Wenyama, quelles solutions le directeur sportif emploiera-t-il pour y remédier? En ce qui concerne les ventes, seront-elles encore aussi nombreuses que l’an dernier? Si oui, des arrivées importantes seront nécessaires afin de garnir l’effectif autrement que par de jeunes joueurs en manque d’expérience. Certes, le projet actuel se base sur la progression des jeunes, mais il faut aussi des joueurs établis qui cimenteront le tout.
La question qui est sur toutes les lèvres : Losada restera-t-il ? Après avoir raté les séries de manière si décevante, plusieurs diront que non. Mais peut-être vaut-il la peine d’accorder une autre année à l’entraineur argentin, ne serait-ce que pour voir comment il répondra avec une équipe plus à son image. De plus, le banc du CF Montréal aurait bien besoin d’un peu de stabilité.
Après avoir mérité son sort en 2023, le CF Montréal voudra mériter un sort différent en 2024.