Le déclin de l’empire tennistique canadien
Si la médaille de bronze gagnée à Paris par Félix Auger-Aliassime et Gabriela Dabrowski a été un excellent baume au cœur, l’Omnium Banque Nationale 2024 est un cruel rappel de l’incroyable déclin du tennis canadien.
Il n’y a pas longtemps, chaque Grand Chelem ou Masters 1000 représentait une nouvelle occasion pour les joueurs et joueuses canadien(nes) de briller et d’ajouter une ligne à leur palmarès. Mais depuis l’Open d’Australie 2023, les meilleurs résultats en Grand Chelem d’un représentant de l’unifolié sont deux huitièmes de finale, une par Denis Shapovalov, l’autre par Félix Auger-Aliassime.
Du côté féminin, c’est pire : le dernier huitième de finale en Grand Chelem jouée par une joueuse canadienne remonte à 2022 à Roland-Garros, gagné par Leylah Fernandez, qui s’est finalement inclinée en quart de finale. C’est maigre, très maigre, surtout quand on se souvient des immenses espoirs placés sur cette formidable génération.
Retour en arrière
En 2019, Bianca Andreescu joue une saison de rêve, sûrement la meilleure saison en simple qu’une joueuse de Tennis Canada ait déjà jouée. À seulement 18 ans, elle remporte Indian Wells, un des tournois les plus importants de l’année. Quelques mois plus tard, elle remporte devant ses supporters locaux le tournoi de Toronto. Et la consécration ultime est venue en Grand Chelem, au US Open, qu’elle gagne en battant sur ses terres Serena Williams en finale. Rien ne pouvait l’arrêter, pensait-on à l’époque.
Puis vient Félix Auger-Aliassime, un des joueurs les plus précoces de l’histoire. À seulement 14 ans, il est déjà classé à l’ATP, devenant alors le premier joueur né dans les années 2000 à être dans le classement. Ses succès s’enchaînent et s’accélèrent, une demi-finale aux Masters 1000 de Miami en 2019, une finale en 2020 à l’ATP 500 de Rotterdam en 2020, avant de culminer au US Open de 2021 alors qu’il se rend en demi-finale. La victoire en Grand Chelem était la prochaine étape, pensait-on à l’époque.
Depuis quelques années rôdait déjà sur le circuit Denis Shapovalov, un autre excellent espoir. En 2019, il remporte l’ATP 250 de Stockholm, avant de se rendre en finale du Masters 1000 de Paris quelques semaines plus tard. Il continue de rouler sa bosse sur le circuit et obtient finalement son meilleur résultat en Grand Chelem à Wimbledon en 2021 où il atteint la demi-finale. S’il est capable de rester calme, son tennis explosif lui permettra de gagner un immense tournoi et de cimenter sa place dans le top 10 mondial, pensait-on à l’époque.
Puis est venue Leylah Fernandez, qui remporte son premier titre au WTA 250 de Monterrey, avant de réaliser un exploit plus grand que nature au US Open en 2021. À New York, elle réussit à atteindre la finale du tournoi. La surprise est totale, personne n’aurait pu le prédire. Dans quelques années, elle pourrait-être parmi les meilleures au monde, pensait-on à l’époque.
Que nous reste-t-il?
Les échecs en Grand Chelem sont certes terribles pour l’avancée du tennis canadien, mais rien ne représente mieux sa mauvaise posture que les résultats obtenus à l’Omnium Banque Nationale. C’est LE tournoi. Tous les matchs des athlètes du pays sont scrutés à la loupe. On est autant prêts à se féliciter pour leurs exploits, qu’à se dire « À la prochaine fois », en cas de mauvais résultats. Dans les dernières années, c’est plutôt la phrase popularisée par René Lévesque qui a été employée pour décrire leur parcours.
Cette année, seules Leylah Fernandez et Marina Stakusic, une nouvelle espoir de 19 ans, ont su gagner un match. Félix, Denis, Bianca et aucun autre n’ont été capables de faire vibrer la foule, de donner au spectateur le sentiment d’avoir rentabilisé son billet.
La situation du tennis canadien n’est certes pas catastrophique, la médaille en double mixte est exceptionnelle, tout comme le parcours en simple de Félix Auger-Aliassime, qui est passé si proche du bronze. La victoire en 2022 à la Coupe Davis, la « Coupe du Monde » masculine du tennis, et la victoire à la Billie Jean King Cup en 2023, l’équivalent féminin, sont aussi des exploits dont aucun fan de tennis canadien n’aurait pu rêver il y a 10 ans.
Toutefois, en voyant la génération entre nos mains, il est normal de vouloir plus. Car chacun et chacune de nos athlètes sont d’exception et ont tous prouvé(e)s que leur potentiel n’est pas celui de perdre au premier tour de l’Omnium Banque Nationale ou d’un Grand Chelem, mais bien de convoiter tournoi après tournoi, la plus haute marche du podium.