Les Guardians, une équipe maudite ?

Le lanceur Andrew Miller après la défaite de Cleveland lors de la Série mondiale de 2016. Crédit photo : Matt Slocum de l’Associated Press.

Samedi dernier, les Guardians de Cleveland ont été éliminés en finale de championnat de la Ligue américaine face aux Yankees de New York. En quête d’une Série mondiale depuis 76 ans, Cleveland détient le record actuel pour la plus longue disette dans le baseball majeur.

Cleveland est située en Ohio, un État ayant connu un passé glorieux lors de l’industrialisation des États-Unis. Depuis la délocalisation progressive des entreprises en raison de la mondialisation, la ville vit un déclin qui s’est répercuté sur les performances sportives des équipes locales. 

Au baseball, les Guardians de Cleveland (anciennement les Indians) sont la plus vieille équipe professionnelle encore active de la ville. La formation a remporté deux Séries mondiales, soit en 1920 et en 1948. 

Dès 1954, ils sont de retour en Série mondiale contre les Giants de New York. Au premier match, à la huitième manche, le score est de 2-2 quand Vic Wertz des Indians frappe une balle en plein cœur du marbre. Le coup sûr était pratiquement garanti quand le voltigeur de centre des Giants, Willie Mays, a réussi l’un des attrapés les plus mémorables de l’histoire du baseball. 

On appellera ce match « The Catch » en raison de la nature des évènements. Les Giants remportent la première partie 5 à 2 en manches supplémentaires et éliminent par la suite les Indians en quatre rencontres pour conquérir la Série mondiale de 1954.

Une décennie d’espoir

Des années de vaches maigres s’ensuivirent pour les Indians. Entre 1960 et 1993, ils ne s’approchèrent pas du tout d’un titre de division, terminant à 11 matchs des Red Sox en 1988 et 1990. Les années 1990 sont toutefois prometteuses à Cleveland. Un nouveau stade, le Progressive Field, est construit en 1994 pour remplacer le Cleveland Municipal Stadium.

Le Cleveland Municipal Stadium a accueilli les Indians de 1932 à 1993. Sur cette photo, l’un des derniers matchs des Browns (NFL) en 1995. Crédit photo : Wikimedia Commons
Le Progressive Field a ouvert ses portes en 1995. Crédit photo : thisgreatgame.com

Sur le terrain, l’émergence des Albert Belle, Jim Thome, Kenny Lofton et d’un jeune Manny Ramirez revigore l’attaque de Cleveland, supportée par le brio au monticule de Charles Nagy, vainqueur de 55 décisions entre 1991 et 1995.

En 1995, les Indians sont de retour en séries éliminatoires, une première depuis 1954. Grâce à une récolte de 100 victoires en 144 parties, la saison a été écourtée en raison de la grève des joueurs qui avait mis fin à la saison précédente.

Cleveland réussit à se rendre facilement en finale, disposant aisément des Red Sox et des Mariners, en route vers un rendez-vous avec les Braves d’Atlanta en Série mondiale. Cette formation d’Atlanta était réputée pour sa rotation de lanceurs partants qu’on appelait le « Big Three ». Composé de Greg Maddux, Tom Glavine et John Smoltz, le trio a mené les Braves vers un record de 11 titres de division consécutifs et trois participations à la classique automnale. Les Indians sont vus comme les favoris, ayant remporté une dizaine de matchs de plus que leurs rivaux. Chacun des six affrontements s’est joué à un point de différence entre les deux formations lors de cette série. 

Au sixième match, les lanceurs ont muselé les frappeurs des deux équipes, les limitant à seulement sept coups sûrs au cours de la rencontre. Le joueur de champ extérieur des Braves, David Justice, a cogné un circuit en solo en sixième, plantant ainsi le dernier clou dans le circuit des Indians. Au monticule, Tom Glavine a été tout simplement sublime, n’accordant qu’un simple à Tony Pena en huit manches de travail. La malédiction perdure pour Cleveland.

En 1997, les Indians ont de nouveau dominé la division centrale de la Ligue américaine, remportant 86 rencontres, six de plus que leurs plus proches poursuivants, les Whites Sox de Chicago. Ils ont réussi à se faufiler encore une fois en Série mondiale pour affronter les Marlins de la Floride, une équipe qui a joué sa première saison en 1993. Bien que la formation floridienne n’était vieille que de quatre ans, elle était remplie de vétérans dans la fleur de l’âge tels que Moises Alou, Gary Sheffield, Al Leiter et Kevin Brown qui les ont propulsés au sommet de la Ligue Nationale.

Lors de la Série mondiale, aucune équipe n’a réussi à remporter deux matchs consécutifs. Il faut aller jusqu’au match ultime pour décerner le champion de la saison 1997 entre la Floride et Cleveland. 

Après six manches, les Indians ont une avance de 2-0, ils sont à un fil de remporter la Série mondiale. Comme à leur habitude, ils ont laissé filer leur avance et les Marlins créent l’égalité avec un retrait en neuvième manche, gracieuseté d’un ballon-sacrifice de Craig Counsell qui fait marquer Alou. 

En 11e manche , Cleveland n’a qu’à marquer un seul point pour mettre fin à la malédiction. Or, les Marlins inscrivent un petit point à leur onzième tour au bâton sur un simple de Edgar Renteria qui a permis à Counsell de croiser le marbre. Au septième et dernier match, comme à leur habitude, les Indians capitulent une énième fois.

2016, la dernière chance ?

On croyait que les souffrances de Cleveland viendraient à échéance en 2016. Désormais menés par leur lanceur étoile Corey Kluber ainsi que les jeunes sensations Francisco Lindor et José Ramirez, ils affrontent une autre équipe maudite, les Cubs de Chicago. La formation du nord de Chicago n’avait pas gagné de Série mondiale depuis 1908 et il s’agissait de leur première participation en finale depuis 1945, après plusieurs déceptions. 

Deux équipes qui ont souffert de malchance et de saisons médiocres à travers les décennies ont l’occasion d’y remédier pour de bon. Après quatre rencontres, les Indians mènent le bal avec trois victoires et un revers. Le Trophée du Commissaire est au bout des lèvres. Tel un conte de fées, les Cubs réussissent à remporter les matchs 5 et 6 et à forcer la tenue du match ultime au Progressive Field de Cleveland. 

En huitième manche, les Indians ont créé l’égalité en marquant trois points avec un double de Brandon Guyer et un circuit de deux points de Rajai Davis qui fait trembler le Progressive Field. Le score étant désormais de 5-5,la rencontre s’en va en manches supplémentaires. La tension est palpable dans le stade. Le titre tant convoité est au bout des lèvres des deux équipes. Cependant, seulement l’une d’entre elles pourra festoyer en ce soir du 2 novembre 2016. 

En dixième manche, les Cubs inscrivent deux points, ils n’ont qu’à retirer trois joueurs des Indians. Davis redonne l’espoir aux Indians avec un simple qui marque un point, mais cela sera insuffisant. Chicago met fin à 108 ans de disette de Séries mondiales, laissant Cleveland avec un autre revers en finale et la troisième fois lors d’un septième match.

La dernière manche du match 7 de la Série mondiale.

On peut penser qu’il s’agit d’une équipe maudite comme leurs comparses des Browns de la NFL. Or, des équipes du baseball majeur ont vécu des disettes bien plus longues que celles des Guardians. 

La plus célèbre demeure la « malédiction du Bambino », soit les 86 saisons sans Séries mondiales des Red Sox de Boston avant de remporter le sacre ultime en 2004.

Le record appartient aux Cubs de Chicago qui ont attendu 108 ans avant de remporter une troisième Série mondiale en 2016 contre cette même équipe de Cleveland. 

Avec l’effectif actuel et les performances en éliminatoires de cette saison 2024, les Guardians peuvent espérer se rendre loin dans les prochaines saisons.

Pierre-Alexandre Larouche

Sportif de salon depuis sa tendre enfance, Pierre-Alexandre Larouche est étudiant au baccalauréat en communication (journalisme) à l'UQAM. Maniaque de statistiques, de dates et capable de nommer les 58 champions du Super Bowl par coeur, Pierre-Alexandre s'est joint au Club-École pour joindre ses deux passions que sont l'écriture et le sport. Amateur de football américain, de hockey et de soccer, il est à la recherche de sujets méconnus et adore débattre sur les sujets chauds de l'actualité sportive.

Une réflexion sur “Les Guardians, une équipe maudite ?

  • 22 octobre 2024 à 10:43
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    Excellent article rempli de détails historiques!!!

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