Un sacre montréalais qui fait du bien
Les Alouettes de Montréal sont champions de la coupe Grey depuis dimanche. Un premier titre en 13 ans pour les Moineaux et pour l’ensemble des équipes majeures montréalaises. En effet, avec les insuccès des Canadiens et du CF Montréal, la métropole québécoise n’a pas connu beaucoup de réjouissances sportives dans les dernières décennies. Par chance, les Alouettes existent.
Les Als s’offraient un huitième titre dans leur histoire lors de la 110e édition de la finale de la coupe Grey à Hamilton. L’armoire à trophées des Moineaux est donc aussi remplie que celle des Tiger-Cats de Hamilton et des Stampeders de Calgary. À noter que les Argonauts de Toronto (18), les Elks d’Edmonton (14) et les Blue Bombers de Winnipeg (12) les surpassent à ce chapitre.
Les Alouettes : la fierté sportive montréalaise du 21e siècle
Après une disette de 25 ans, Montréal a remporté sa cinquième coupe Grey en 2002, avant de triompher trois autres fois au 21e siècle, soit en 2009, 2010 et 2023. Elle est donc clairement l’équipe montréalaise la plus prolifique durant cette période, malgré de sérieux problèmes financiers et administratifs dans les dernières années. Quant à eux, les Canadiens de Montréal n’ont pas remporté de coupe Stanley depuis 1993. Il y a eu les séries éliminatoires 2021 où les partisans ont vécu des émotions fortes, particulièrement le soir de la Saint-Jean-Baptiste. Malgré cela, la 25e coupe se fait toujours attendre.
Pour ce qui est du CF Montréal, qui vit aussi des problèmes financiers, l’absence de trophée est plus excusable puisque le club n’a disputé que 12 saisons en MLS. L’Impact de Montréal (à l’époque) était tout de même parvenu à se rendre en demi-finale de la coupe MLS en 2016, s’inclinant cruellement contre le Toronto FC. Même avant le CFM, les Expos de Montréal dans la MLB, qui ont existé entre 1969 et 2004, n’ont jamais remporté de Série mondiale.
Une fin de match de folie
Bref, cette coupe Grey 2023 marquée par la conquête improbable des Alouettes face aux Blue Bombers, fut particulièrement spéciale. En retard par trois points avec moins de trois minutes à faire au match, les Als ont réussi un exploit collectif grandiose. D’abord, le sac du quart de Darnell Sankey a permis aux Montréalais de récupérer le ballon rapidement. Puis, le quart-arrière Cody Fajardo a été étincelant, y allant d’une course de 13 verges sortie de nulle part. Il a ensuite remis à Cole Spieker qui s’était habilement démarqué sur un troisième essai. Fajardo, joueur par excellence de la finale, a fait preuve d’énormément de sang-froid une fois de plus en repérant Tyson Philpot dans la zone des buts. Celui-ci a capté la minutieuse passe et le tour était joué. Les Alouettes se sauvaient avec une victoire de 28-24 et remportaient la coupe Grey.
Montréal et le Québec en entier ont ainsi pu célébrer dans la joie et l’allégresse dimanche soir et pourront le faire de nouveau mercredi matin lors de la parade de l’équipe dans les rues de la métropole. C’était plus de 800 000 personnes en moyenne qui ont regardé le match sur les ondes de RDS. Les partisans montréalais ont aussi pris d’assaut les réseaux sociaux après le sacre des Moineaux, mais il faut dire qu’un certain discours a intensifié les choses.
Un discours rassembleur
En entrevue d’après-match avec Matthieu Proulx de RDS, le maraudeur québécois Marc-Antoine Dequoy, complètement survolté, y est allé d’une envolée lyrique à saveur nationaliste.
Ils n’ont jamais cru en nous! Tu regardes partout dans le stade, c’est écrit en anglais. Même sur le guide télé de TSN, c’était écrit Toronto contre Winnipeg. Mais tu sais quoi, gardez-le votre anglais! Parce qu’on va gagner la coupe, puis on va la ramener à Montréal, au Québec. Parce qu’on est « fu**ing » champions !
Marc-Antoine Dequoy, 19 novembre 2023, RDS
Les réactions sur les réseaux sociaux ont été nombreuses et vives. Uniquement sur les plateformes de RDS, la vidéo de l’entrevue de Dequoy a obtenu plus d’un million de visionnements, un véritable phénomène viral. De nombreux commentaires écrits par des Québécois sur les réseaux sociaux étaient positifs et appuyaient le message véhiculé par le joueur montréalais, même si certaines personnes ont exprimé leur désaccord envers les propos du fier joueur québécois. Le parallèle indirectement soulevé par Dequoy par rapport au fait d’être négligé par les experts, qui plaçaient Montréal au dernier rang dans la LCF, et la langue française, négligée et même rabaissée par le Canada anglais, est drôlement intéressant.
En débarquant de l’avion lundi matin, le numéro 24 des Als a tenu à préciser son message avec plus de retenue, évoquant un « manque de respect » de la LCF envers la langue française.
Plusieurs personnalités sportives et politiques ont également réagi avec enthousiasme au discours émotif de Dequoy, comme le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge et le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois. Mais ce sont surtout les commentaires du chef du Parti québécois, Paul Saint-Pierre Plamondon, qui ont retenu l’attention après que Dequoy ait modéré ses propos à son arrivée à Montréal lundi matin.
Marc-Antoine Dequoy a voulu tempérer ses propos en disant que l’émotion avait beaucoup parlé. Pourtant, il suffit de parler aux gens autour de nous, de regarder les réactions partout dans les médias et sur les réseaux sociaux pour venir à la conclusion qu’une déclaration aura rarement réussi à rassembler autant de gens. Je tiens donc à le dire haut et fort : Marc-Antoine Dequoy n’a pas à être désolé.
Paul St-Pierre Plamondon, 20 novembre 2023, X
Si l’instauration de la culture francophone et québécoise au sein de l’organisation est importante pour Marc-Antoine Dequoy et bien des Québécois, elle l’est aussi pour l’entraineur-chef des Alouettes, Jason Maas, qui est Américain. Ce dernier a tenu à ce que ses joueurs non francophones apprennent à dire leurs numéros et certaines phrases en français.
Il n’y a pas que le CH qui existe
C’est bien connu, les Canadiens de Montréal occupent presque la totalité de l’attention médiatique sportive montréalaise. D’un côté, c’est compréhensible, puisque cette équipe de hockey est une racine de la société québécoise et une fierté de la nation (quoique moins depuis 30 ans). De plus, en général, la « demande » de contenu reliée au CH est bien plus élevée que celle pour les Alouettes ou le CF Montréal. Or, avec les récents problèmes financiers des Als et du CFM, il est primordial de prendre soin de ces équipes montréalaises moins connues et médiatisées.
La conquête de la coupe Grey des Moineaux a fait du bien. Les partisans étaient au rendez-vous et leurs réactions, amplifiées par le discours de Dequoy, ont prouvé que le Québec est attaché à cette équipe et que ce serait une catastrophe de la perdre de nouveau, comme ce fut le cas entre 1987 et 1996 . Le même principe s’applique au CF Montréal, dont plusieurs redoutent le déménagement. Après avoir perdu les Nordiques de Québec en 1995, puis les Expos de Montréal en 2004, on ne peut pas se permettre de négliger nos équipes sportives.
Ce sont pour des moments comme ceux vécus dimanche soir que ça vaut la peine d’y faire attention.
Bravo aux Alouettes! Ça fait du bien un championnat à Montréal!