Une nouvelle philosophie douteuse
La nouvelle approche de gestion des lanceurs de Kevin Cash est remise en question par plusieurs experts et amateurs. Cette philosophie a des fondements solides et de bons arguments pour l’appuyer, mais toute bonne règle a son exception.
Mardi 27 octobre 2020. Il est 17h00 et le gérant des Rays de Tampa Bay, Kevin Cash, s’apprête à gérer le match le plus important de sa carrière. En effet, son équipe s’apprête à disputer le sixième match de la Série mondiale face à la meilleure formation de la MLB, les Dodgers de Los Angeles. Tirant de l’arrière 3-2, une victoire leur permettrait de pousser la série à la limite, mais une défaite les retournerait à Tampa. Cash n’a toutefois pas grand chose à craindre, puisqu’il mise sur l’un des meilleurs partants du baseball majeur en Blake Snell, qui est dominant depuis le début des séries éliminatoires. Le plan de match est cependant déjà établi pour le gérant des Rays : Snell lancera plus ou moins 5 manches et sera retiré dès qu’il aura fait le tour des frappeurs de Los Angeles deux fois. Selon les statistiques avancées, dont Kevin Cash raffole, les frappeurs ont plus de chances de frapper un coup sûr lorsqu’ils ont eu le temps de se mesurer deux fois au même lanceur.
Ces statistiques s’appliquent parfaitement lorsqu’un frappeur arrive pour une troisième fois au bâton après avoir frappé un coup sûr et un ballon au champ droit. Toutefois, lorsque le lanceur partant retire les trois frappeurs en question sur des prises, deux fois consécutives, on est en droit d’écarter les statistiques avancées et faire confiance à celui qui menotte l’adversaire manche après manche. Ce n’est toutefois pas la stratégie de Cash, qui a utilisé son approche tout au long de la saison et du parcours automnal. Cette approche est plutôt nouvelle, alors que les équipes des dernières années géraient leur rotation de lanceurs en fonction des performances de ceux-ci. Un autre problème avec cette stratégie, c’est qu’elle est beaucoup plus demandante pour les releveurs, qui se retrouvent à lancer bien plus souvent. Ils se trouvent donc plus fatigués et perdent de leur efficacité à long terme.
Le mauvais choix de releveur
Parlant de releveurs, retirer Blake Snell du match était certes une décision discutable, mais la grosse erreur de Kevin Cash aura été son choix de remplaçant. Nick Anderson a beau avoir dominé la saison régulière, il s’est carrément écroulé en séries éliminatoires et était carrément le pire lanceur de la formation, surtout depuis le début de la Série mondiale, au cours de laquelle il a affiché une moyenne de points mérités de 9,00 en plus d’avoir une WHIP de 2,000. Pour ajouter au problème, Anderson est un lanceur de balles rapides et un droitier, la pire combinaison pour affronter Mookie Betts, qui excelle contre ces lanceurs. Les Rays avaient donc plutôt besoin d’un lanceur gaucher qui favorise les balles courbes. Dans le genre de Blake Snell…
La décision de Kevin Cash était prise d’avance, mais il aurait peut-être dû faire confiance à Aaron Loup (qui est d’ailleurs venu en relève à Anderson par la suite) ou, tant qu’à envoyer un droitier à l’abattoir, Diego Castillo. Même si ces deux lanceurs avaient lancé lors du match précédent, ils représentaient sans doute de meilleures options qu’Anderson dans les circonstances.
Une attaque en panne
Peu importe qui est au monticule, il est rare qu’une équipe se sauve avec une victoire de 1-0, surtout en Série mondiale. Le gros du problème était là pour Tampa Bay. Avec une maigre production offensive (seulement un ou deux points lors des matchs 3, 5 et 6), il allait devenir compliqué pour les Rays de l’emporter. Peu importe la situation, Blake Snell ne se serait pas rendu à la huitième manche et Betts aurait probablement frappé son coup de circuit quand même. Peut-être que le remplacement de Snell a réveillé l’attaque des Dodgers plus tôt que prévu, mais il faut admettre que le momentum n’était pas vraiment du côté des Rays non plus. À l’exception du circuit de Randy Arozarena en première manche, l’attaque de Tampa a été pratiquement invisible. Tôt ou tard, ce manque allait leur faire mal.
Au final, il n’y a pas que la décision de Kevin Cash qui a causé la défaite. Est-ce que garder Snell dans le match aurait permis aux Rays de l’emporter? Probablement pas. Ce n’est pas cette décision qui a coûté le titre à la formation floridienne. Ce n’est pas non plus la performance de Nick Anderson puisque l’écart n’était quand même que d’un seul point à la fin de la sixième manche. C’est plutôt un mélange de l’épuisement de l’équipe et du manque de punch à l’attaque. La fin abrupte de la soirée de Snell n’a pas aidé, mais c’est loin d’être ce qui a scellé le destin des Rays.