Avant-goût : Canadiens contre Flyers

Carey Price, Crédit Photo | Kristina Servant | CC BY 2.0

Les Canadiens de Montréal ont défait les Penguins de Pittsburgh en quatre parties. Les Flyers de Philadelphie ont, quant à eux, amassé une fiche parfaite de 3-0-0 lors du tournoi à la ronde. Les deux équipes s’affronteront donc dans le cadre de la première ronde des séries éliminatoires. Dans le but d’anticiper ce que le Tricolore devra faire pour vaincre les Flyers, je comparerai les différentes facettes de leur jeu.

Les Flyers sont les grands favoris

Il est plutôt évident que les Flyers sont les favoris pour remporter cette série. Ces derniers sont sur une séquence de victoires qui laisse peu de gens indifférents depuis la fin de la saison régulière. Depuis le 18 février, Philadelphie a récolté 12 victoires et 1 défaite, incluant une fiche parfaite contre les trois autres équipes du sommet de la conférence de l’Est, soit le Lightning de Tampa Bay (4-1), les Bruins de Boston (4-1) et les Capitals de Washington (3-1). Durant ces trois rencontres, les Flyers ont compté 11 buts et en ont alloué 3. Une telle fiche contre les trois meilleures équipes de la conférence est indicative d’une équipe en pleine possession de ses moyens qui ne semble pas ralentie par la pause.

Philadelphie semble s’être hissée au sommet des favoris pour remporter la coupe dans le conférence de l’Est, surtout avec les performances des trois autres équipes. Les Capitals sont toujours sans leur défenseur étoile (et futur gagnant du trophée Norris) John Carlson et ne semblent pas être en mesure de répliquer leurs performances de la saison régulière pour le moment. Ils devront se fier sur Braden Holtby, qui a connu une saison en-deçà des attentes (3,11 MBA, 89,7% EFF), puisqu’Ilya Samsonov est jugé inapte à jouer.

Les Bruins de Boston, eux, n’ont présentement aucun blessé, mais leur ligne parfaite composée de Marchand, Bergeron et Pastrnak, qui a combiné 97 buts lors de la saison régulière, n’a toujours pas compté lors des séries et l’équipe ne joue pas au niveau qui lui a permis de terminer au sommet de la LNH, avec 44 victoires en 70 rencontres. Du côté du Lightning, deux joueurs importants manquent à l’appel : Steven Stamkos (66 points en 57 parties) ainsi que Victor Hedman, candidat au trophée Norris. Ces deux morceaux manquent grandement à Tampa Bay, qui ne ressemble pas au mastodonte que l’on est habitué de voir.

Artturi Lehkonen marquant le but de la victoire lors du quatrième match de la série Canadiens – Penguins. Crédit photo : Toronto Star.

Les Flyers sont donc les favoris dans l’Est pour remporter les grands honneurs, et ce sera le Tricolore qui aura la lourde tâche de les freiner. Cependant, les Canadiens étaient aussi largement défavorisés par la majeure partie des amateurs et experts contre les Penguins de Pittsburgh, qui ne pensaient pas que leurs adversaires avaient une chance de remporter la série. Selon Carey Price, c’est ce qui les a motivés à remporter la série. « Nous étions définitivement tous motivés pour cette série, personne ne [croyait qu’on pouvait] les battre, cela a définitivement joué un rôle. Nous l’avons tous pris avec un grain de sel, puis sommes allés là-bas et avons simplement essayé de prouver que tout le monde avait tort », a-t-il déclaré lors de la conférence de presse d’après-match, vendredi dernier.

Offensive

Avantage : Flyers de Philadelphie

Voici un aperçu des trios utilisés par les Flyers de Philadelphie :

Claude Giroux – Sean Couturier – Joel Farabee

Scott Laughton – Kevin Hayes – Travis Konecny

James van Riemsdyk – Derek Grant – Nicolas Aubé-Kubel

Connor Bunnaman – Nate Thompson – Tyler Pitlick

Voici un aperçu des trios utilisés par les Canadiens de Montréal :

Tomas Tatar – Nick Suzuki – Brendan Gallagher

Jonathan Drouin – Jesperi Kotkaniemi – Joel Armia

Artturi Lekhonen – Phillip Danault – Paul Byron

Dale Weise – Max Domi – Alex Belzile

Les Flyers possèdent quatre trios en mesure de marquer qui combinent vitesse, talent et physique. La signature de Kevin Hayes lors de l’été 2019 a été un ajout important pour Philadelphie, qui peut désormais faire jouer Giroux et Couturier sur une même ligne. L’avantage offensif est donc du côté de Philadelphie en termes de talent et de contribution offensive. Cependant, à 5 contre 5, durant la saison régulière, l’argument peut être fait que les Canadiens ont été plus dominants que les Flyers.

Montréal a terminé en deuxième position pour le Corsi, qui comprend les tirs au but, les tirs au but manqués et les tentatives de tirs bloqués vers le filet de l’adversaire, en soustrayant les mêmes tentatives de tirs dirigés vers le filet de sa propre équipe. Le Tricolore a contrôlé 54,43% de ceux-ci, alors que les Flyers ont terminé au neuvième rang, avec 51,02%. Cependant, lorsqu’on regarde le pourcentage de buts marqués contre celui des buts alloués, les Flyers sont au cinquième rang, avec 53,31%, alors que le Bleu-Blanc-Rouge est au 13e rang, avec 50,87%.

La tendance se maintient lorsqu’on s’attarde à la statistique des buts attendus (SBA). Cette statistique attribue une valeur aux tirs en fonction de leur emplacement et d’autres facteurs, variant si le tir est un rebond, un tir sur réception, etc. Le concept de buts attendus au hockey est basé sur celui que certains tirs sont plus dangereux que d’autres en fonction de la probabilité qu’ils résultent en buts. Selon la SBA, les Flyers ont terminé au 25e rang de la ligue, avec un nombre de buts attendus de 123,7, alors que les Canadiens ont fini au deuxième rang, avec 142,96. Selon cette logique, Montréal devrait être au sommet de la Ligue nationale de hockey en termes de buts marqués et les Flyers devraient être en bas. Toutefois, les Flyers sont au septième rang de cette catégorie, avec 153 buts, et Montréal est au 13e rang, avec 147 buts.

Qu’est-qui explique donc cette différence énorme de +29,3 entre les buts attendus et les buts marqués par les Flyers, alors que Montréal n’a qu’un différentiel de +4,3? Cela voudrait-il dire que les statistiques avancées sont désuètes et qu’il ne faut donc pas se fier à celles-ci? Non, pas du tout. Les équipes avec des tireurs élites dans leur alignement ont tendance à dépasser leur SBA. C’est notamment le cas de Toronto (+16,02), Tampa Bay (+30,23), du Colorado (+35,22), de Boston (+24,01) ainsi que de Pittsburgh (+23,66). Un tir d’une distance de 20 pieds provenant du bâton de Jordan Weal ne représente pas le même danger que le même tir provenant du bâton d’Auston Matthews, Nikita Kucherov, Nathan Mackinnon, David Pastrnak, ou bien Evgeni Malkin.

Il s’agit donc là d’un bel exemple d’une des raisons principales qui ont fait que Montréal a terminé 24e au classement général lors de l’arrêt de jeu. Le Canadien domine en grande partie ses adversaires, mais un manque flagrant de talent offensif fait en sorte que le Tricolore n’est pas en mesure de capitaliser sur ses opportunités. C’est souvent ce qui s’est produit lors de la saison. Montréal peut donc bien contrôler le jeu et obtenir, par exemple, trois chances de marquer de qualité contre une pour l’équipe adverse. Or, si ces chances sont toutes obtenues par Dale Weise et Jordan Weal, alors que la seule chance de l’équipe adverse est obtenue par Auston Matthews, bien souvent, la marque sera de 1-0 pour l’équipe adverse.

Tout cela me mène à donner l’avantage offensif aux Flyers de Philadelphie. Même si Montréal est en mesure de contrôler le jeu à 5 contre 5, le talent offensif brut des attaquants des Flyers est nettement supérieur à celui du Tricolore. Même si Montréal est plus dominant en possession de rondelle ainsi qu’en chances de marquer, Philadelphie est plus opportuniste et beaucoup plus talentueuse au niveau de l’attaque que Montréal, ce qui fait pencher la balance en sa faveur.

Défensive

Avantage : Canadiens de Montréal

Voici un aperçu des paires défensives utilisées par les Flyers :

Ivan Provorov – Matt Niskanen

Philippe Myers – Travis Sanheim

Shayne Gostisbehere – Justin Braun

Voici un aperçu des paires défensives utilisées par les Canadiens :

Ben Chiarot – Shea Weber

Brett Kulak – Jeff Petry

Xavier Ouellet – Victor Mete

Les Flyers de Philadelphie et les Canadiens de Montréal ont été excellents en termes de buts contre attendus, terminant respectivement huitièmes (120,6) et neuvièmes (121,74). Cela veut dire que les deux équipes se démarquent par leur capacité à restreindre les chances de marquer des équipes adverses. Plus récemment, lors de leur séquence active de 13 victoires et une défaite, les Flyers n’ont alloué que 22 buts, une moyenne de 1,69 buts par match. Cela est en partie du à des performances élites de leurs gardiens de but, Carter Hart et Brian Elliot, mais aussi par un système de jeu très renfermé qui ne laisse pas beaucoup de place aux attaquants de l’équipe adverse. On devait s’en attendre avec des entraîneurs-chefs d’expérience derrière le banc en Alain Vigneault, Michel Therrien et Mike Yeo. Les Flyers semblent finalement avoir adhéré au système de jeu promu par ces derniers, et les résultats sont la preuve qu’il fonctionne.

Shea Weber (gauche) et Ben Chiarot (droite), le meilleur duo défensif de la ligue selon la statistique Corsi. Source photo: Twitter

Tout comme les Penguins, les Flyers possèdent un défenseur mobile capable de relancer l’offensive sur chaque paire défensive : Ivan Provorov (36 points), Travis Sanheim (25 pts) et Shayne Gostisbehere qui, malgré une saison décevante, a récolté en moyenne 48 points sur 82 parties lors des cinq dernières campagnes. Ces trois défenseurs sont tous accompagnés d’un coéquipier à caractère défensif, dont Justin Braun, Matt Niskanen (+15) ainsi que Philippe Myers (6 pieds 5 pouces, différentiel de +17). Toutefois, selon la statistique avancée Corsi, parmi les duos défensifs ayant joué plus de 400 minutes ensemble, Brett Kulak et Jeff Petry se retrouvent au premier rang (60,30%) et Shea Weber et Ben Chiarot, au quatrième rang (55,03%), alors qu’Ivan Provorov et Matt Niskanen se retrouvent au 18e rang (51,96%) et que Travis Sanheim et Philippe Myers sont au 21e rang (51,56%). Même si la troisième paire défensive est beaucoup plus stable et expérimentée pour Philadelphie que pour Montréal, l’écart entre les deux premières paires défensives est trop important pour faire pencher la balance en faveur des Flyers. Le « Big Three » du Tricolore (Chiarot, Weber et Petry) se devra d’être efficace tout au long de la série si Montréal veut surprendre une fois de plus.

Gardien de but

Avantage : Canadiens de Montréal

Carter Hart aura la chance de jouer en séries contre son idole de jeunesse Carey Price. Il a récemment assisté à la victoire en prolongation du Tricolore contre les Penguins de Pittsburgh lors du match numéro 1, dans lequel Price a été brillant, stoppant 39 des 41 tirs dirigés vers lui. « J’ai vu ça. Il a donné tout un spectacle. […] Il était et il est toujours mon gardien préféré. Je m’inspire de quelques aspects de son jeu. J’ai commencé à le regarder très jeune, dès que j’ai commencé à jouer au hockey », a dit Carter Hart. Le jeune gardien calque plusieurs facettes du jeu de Price, dont son calme constant et sa technique parfaite. Les statistiques de Hart reflètent son inspiration tirée de Price. Cette saison, Hart a récolté 24 victoires, bon pour le neuvième rang dans la LNH, avec une moyenne de buts alloués de 2,42 et un taux d’efficacité de 0,914. Price, de son côté, a connu des séquences difficiles lors de cette campagne, menant à des statistiques en-deçà des attentes pour le gardien payé le plus cher au sein de la ligue (2,79 MBA, 90,9% EFF).

Price a toutefois fait taire les critiques lors de la ronde de qualification, avec une moyenne de buts alloués de 1,67 et un taux d’efficacité de 0,947. Ce dernier a multiplié les arrêts clés au cours des quatre rencontres contre la troupe de Sidney Crosby. Ses performances hors de ce monde ont permis aux Canadiens de voler la série. Sans Price, Montréal serait probablement sur un terrain de golf en ce moment. Hart a lui aussi été sensationnel (1,00 MBA, 96,6% EFF) lors des deux parties qu’il a disputées. Le niveau de jeu des équipes au sommet de leur conférence n’étant pas le même que lors de la ronde de qualification et Hart n’ayant jamais participé à un match des séries éliminatoires, il est impossible de prédire comment il réagira. Price, de son côté, a toujours su élever son jeu lors des séries. En 64 rencontres éliminatoires, Carey Price a récolté une moyenne de buts alloués de 2,48 et un taux d’efficacité de 0,916. Si Price joue comme il l’a fait lors de la série contre les Penguins, l’avantage dans les filets ira clairement du coté de Montréal.

En bref

Ce sera une potentielle revanche pour Montréal, qui s’était fait éliminer par les Flyers de Philadelphie en finale de conférence lors des séries de 2010. L’alignement des deux équipes a cependant beaucoup changé. Les trois seuls joueurs restant des deux équipes de 2010 sont Claude Giroux, James van Riemsdyk et Carey Price, qui était alors le gardien réserviste derrière Jaroslav Halak. Ce sont les performances exceptionnelles de Halak en 2010 qui avait permis aux Canadiens d’éliminer les Penguins en deuxième ronde. Rien n’empêche Montréal de reproduire une telle séquence en séries éliminatoires, surtout avec le meilleur gardien de but au monde par consensus devant les filets. Tout comme les Penguins, Montréal devra utiliser sa vitesse pour accélérer en zone centrale. Si le Tricolore est en mesure de capitaliser sur ses opportunités, tout en ayant un jeu défensif stable du « Big Three », Price pourrait bien mener son équipe vers un été qui, heureusement pour les amateurs, s’étirera bien plus longtemps qu’à l’habitude.

Antonin Martinovitch

Ayant pratiqué le sport pendant près de 15 ans, Antonin Martinovitch mange, dort et respire hockey. Amateur de statistiques avancées, il fait parler les chiffres, montrant le sport sous un angle différent. Étudiant au baccalauréat en journalisme à l’UQÀM ainsi que dictionnaire sur pattes, il transmet sa passion du monde sportif à travers ses écrits et ses chroniques vidéos. Ses divers intérêts à un bas âge au football, au golf et à la Formule 1 ont aussi persisté, faisant de lui avant tout un amateur de sport. « Comment aimeriez-vous un travail où, chaque fois que vous commettez une erreur, une grosse lumière rouge s'allume et 18 000 personnes vous huent ? » – Jacques Plante

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