Douche froide sur une conquête historique
Les révélations des derniers jours rendent la victoire des Blackhawks lors de la finale de la Coupe Stanley en 2010 beaucoup plus difficile à respecter, considérant que celle-ci a été priorisée au bien-être de certains joueurs.
Je me souviens très bien des séries éliminatoires de la LNH en 2010. En fait, une bonne partie de ma génération s’en souvient même parfaitement. C’était le printemps que nous avons surnommé « le printemps Halak ». C’est cette année-là que les Canadiens de Montréal, menés par leur gardien de but numéro 2 Jaroslav Halak, ont défait les champions de la saison régulière, les Capitals de Washington, en sept matchs avant de faire subir le même sort aux champions en titre de la Coupe Stanley, les Penguins de Pittsburgh. Le conte de fées s’est toutefois arrêté en finale de conférence, où le Tricolore a baissé pavillon devant les Flyers de Philadelphie.
Vous comprendrez que pour moi, jeune partisan des Canadiens qui venait de voir son équipe subir une défaite de la sorte, il était impensable de me ranger du côté des Flyers lors de la finale de la Coupe Stanley. À l’époque, je ne suivais pas autant le hockey de l’Ouest qu’aujourd’hui et je n’avais en fait aucune idée de quelle équipe allait retrouver Philadelphie en finale. Peu importe, mes amis et moi allions devenir des partisans de cette équipe et souhaiter sa victoire contre les méchants Flyers.
Cette équipe, c’était les Blackhawks de Chicago.
Les Blackhawks étaient une belle équipe avec un noyau solide. Jonathan Toews, Patrick Kane, Duncan Keith, Brent Seabrook, Dustin Byfuglien, Nicklas Hjalmarsson et compagnie étaient tous des vedettes à leur position. Menés par l’un des meilleurs entraîneurs de l’histoire en Joel Quenneville, les Hawks ont défait les Flyers et remporté leur première Coupe Stanley depuis 1961, notamment grâce à un but inoubliable de Kane en prolongation lors du match numéro six. Ils ont ensuite ajouté deux autres championnats en 2013 et 2015 pour s’établir comme une dynastie de la LNH moderne. C’était une belle époque pour Chicago et la ville des vents pouvait se targuer d’avoir la meilleure équipe des années 2010.
Bref, je suis devenu un fan des Blackhawks et je le suis demeuré pour de nombreuses années. Si seulement j’avais pu savoir que toutes ces célébrations cachaient une vérité aussi lugubre que celle qui a été exposée lors des derniers jours.
107 pages d’horreur
Dans un long rapport de 107 pages publié mardi dernier à la suite d’une enquête indépendante commandée par la LNH l’été dernier, on découvre la vérité sur toute cette histoire.
Durant les séries éliminatoires de 2010, Brad Aldrich, un membre du personnel d’entraîneurs responsable de la vidéo a agressé sexuellement un joueur de l’équipe. Ce joueur, nommé John Doe dans le rapport, s’est dévoilé de façon courageuse en entrevue mercredi soir à TSN. Il s’agit de Kyle Beach, un ancien choix de premier tour des Blackhawks qui était réserviste pour l’équipe durant les séries de 2010. Beach n’a jamais joué un seul match dans la LNH, mais son entretien à cœur ouvert mercredi soir, pour lequel je le salue et lui lève mon chapeau, aura pourtant des répercussions majeures à travers la ligue. Du moins, c’est ce que l’on souhaite, car une telle situation ne devrait jamais se produire.
Le rapport fait également un constat particulièrement triste. Il confirme les témoignages publics de plusieurs anciens membres de l’équipe comme quoi tout le monde au sein du personnel exécutif et du personnel d’entraîneurs était au courant et est resté les bras croisés, même à l’issue de rencontres administratives pour discuter de la situation. La raison était simple : la Coupe Stanley était l’objectif et la priorité de tout ce beau monde, particulièrement Joel Quenneville. La situation a été réglée à l’amiable durant l’été qui a suivi, après la parade de la Coupe Stanley, afin d’éviter une enquête.
Nous faisons tous des choix chaque jour et, en 2010, les Blackhawks ont choisi de prioriser la conquête de la Coupe, plutôt que les agissements atroces d’un membre de leur personnel d’entraîneurs. À l’époque, le monde était beaucoup moins sensible à ce genre d’agression et il était plus difficile de dénoncer et d’agir, par peur des répercussions possibles. Des actions auraient tout de même dû être prises. Elles ne l’ont pas été et, dix ans plus tard, les têtes dirigeantes de l’organisation ont payé le prix. Comme on dit, mieux vaut tard que jamais.
En effet, à la suite de la publication du rapport, le directeur général Stan Bowman et le président des opérations hockey, Al MacIssac, ont démissionné. Bowman a également quitté son poste de DG de l’équipe nationale américaine en vue des prochains Jeux olympiques.
Celui qui a payé le plus gros prix dans toute cette histoire, c’est Kyle Beach. Pendant que les partisans voyaient leurs héros défiler dans les rues de Chicago, à célébrer la Coupe Stanley, lui voyait un agresseur et ses complices.
Quenneville et Cheveldayoff devront suivre Bowman
L’un des points les plus aberrants de cette histoire est que, malgré tout ce qui a été raconté et malgré tous les témoignages mentionnant que Joel Quenneville était au courant de la situation en 2010 et a choisi de l’ignorer, celui-ci a quand même été autorisé à prendre part au match entre les Panthers, l’équipe dont il est désormais l’entraîneur, et les Bruins mercredi soir. Ce match avait lieu à peine une heure après la diffusion de l’entrevue de Kyle Beach.
La LNH, les Panthers et Quenneville lui-même ont manqué leur coup sur celle-là.
En refusant encore une fois de prendre le blâme pour ses agissements de 2010, Quenneville a probablement perdu toute once de respect qu’il restait à son égard chez les partisans de hockey. Il sera rencontré par Gary Bettman et la LNH et l’issue de cette rencontre devrait être son congédiement.*
Mon conseil aux Panthers serait de commencer à chercher un entraîneur-chef au plus vite et, tant qu’à y être, je conseille aussi aux Jets de chercher un nouveau DG. En effet, celui qui occupe présentement le poste à Winnipeg est Kevin Cheveldayoff, qui était l’assistant de Stan Bowman en 2010 et sera également rencontré par Bettman cette semaine.
*N.D.L.R.: Au moment d’écrire cet article, Joel Quenneville était toujours en poste avec les Panthers. Il a depuis démissionné de son poste après sa rencontre avec le commissaire Bettman.
Toews, Kane et Keith ne font pas bonne figure
Du noyau de vedettes mentionné plus tôt, trois joueurs sont encore actifs. Duncan Keith est désormais un membre des Oilers d’Edmonton, tandis que Toews et Kane sont encore les deux joueurs qui représentent le visage de la franchise de Chicago. Les trois disputaient, eux aussi, des rencontres mercredi soir et ont été questionnés à ce sujet à la suite de l’entrevue de Kyle Beach.
Malgré les nombreux témoignages d’anciens coéquipiers, qui affirmaient que tous les joueurs étaient au courant, Keith a maintenu qu’il ne savait absolument rien et Kane a dit avoir appris mercredi que Kyle Beach était la victime. De son côté, Toews y est allé avec la même version des faits que lorsqu’il avait été interrogé cet été. Il avait été mis au courant de la situation entourant Kyle Beach au camp d’entraînement de la saison 2010-2011, mais comme Aldrich n’était plus avec l’organisation à ce moment-là, il avait assumé que le problème avait été réglé. Un geste que plusieurs ont remis en question, considérant le rôle de capitaine de Toews, qui portait déjà le C à 22 ans en 2010.
L’attaquant des Blackhawks aurait pu s’en tenir à ces commentaires et limiter les dégâts, mais il a fallu qu’il rajoute, tout comme Quenneville, qu’en 2010, la Coupe Stanley était l’objectif principal et que tout le monde était concentré sur celle-ci. Il a également mentionné qu’il considérait que Stan Bowman et Al MacIssac étaient de « bonnes personnes ». Difficile de comprendre comment « bonnes personnes » et « personnes ayant caché une agression sexuelle » peuvent aller dans la même phrase. Toews a tout de même mentionné qu’il échangerait la Coupe de 2010 pour permettre aux joueurs de ne pas avoir à vivre cet incident.
Jonathan Toews et Patrick Kane n’étaient peut-être pas dans le meilleur état pour commenter le sujet, après avoir perdu un septième match de suite, mais cela n’excuse aucunement leurs propos, qui n’ont en aucun cas aidé la cause de leur équipe.
Car c’est ça le pire pour les Blackhawks. Leur début de saison historiquement mauvais au point de vue hockey n’est même pas la moins bonne nouvelle ni ce qui retient l’attention présentement. L’organisation vient de ternir dix des plus belles années de son histoire et n’est pas près de revoir la lumière. Avant de penser à reconstruire l’équipe sur la glace, les Blackhawks ont une réputation à reconstruire, et même si Bowman et sa bande ne sont plus avec l’organisation, ce processus ne se fera pas du jour au lendemain.