Contre-article : Caufield, l’archétype de la nouvelle génération

Cole Caufield (gauche) serait le plus petit joueur du Tricolore, à 5 pieds et 7 pouces. Crédit photo : Cliquez ici.

L’avenir de Cole Caufield est un sujet chaud pour les partisans des Canadiens de Montréal. Lorsqu’il a été sélectionné au 15e rang par le Tricolore en 2019, plus bas que plusieurs experts avaient prédit en raison de sa petite taille, les amateurs se réjouissaient d’avoir enfin trouvé un marqueur élite. Dans un récent article de mon collègue Yohan Carrière, ce dernier affirme que Caufield ne possède pas le gabarit pour dominer en tant que marqueur dans la Ligue nationale de hockey. Même s’il apporte d’excellents points et que son pronostic pourrait s’avérer, je suis en désaccord avec son évaluation du potentiel du jeune espoir.

Impossible à nier

Plusieurs points mentionnés par Yohan sont indéniables : Caufield n’a pas le gabarit d’un marqueur de 50 buts, comme il l’a démontré avec sa fiche des grandeurs des meilleurs buteurs la saison dernière : aucun d’entre eux ne sont en dessous du seuil de 6 pieds. Il est aussi vrai qu’il domine dans une ligue plus lente, soit la NCAA, et qu’il a été décevant lors du Championnat mondial junior (CMJ) l’an passé, avec deux points, alors qu’il n’avait que 18 ans.

Cependant, je suis en désaccord avec plusieurs points apportés par mon collègue, notamment en lien avec son potentiel et l’unidimensionnalité de son jeu. À mon avis, Caufield sera un buteur de 40 buts, et ce, malgré ses 5 pieds 7 pouces et 165 livres.

Le CMJ : un baromètre fiable?

Le Championnat mondial junior est une excellente opportunité pour les jeunes joueurs de se faire valoir sur la scène internationale. Certes, plusieurs grands joueurs ont connu un excellent tournoi et ont ensuite eu des carrières intéressantes. Caufield a effectivement connu un CMJ décevant l’an passé, avec deux maigres points en cinq rencontres. Dans la victoire de 11-0 des États-Unis contre l’Autriche, Caufield n’a récolté aucun point, ce qui pourrait être considéré comme inquiétant. Cependant, Byfield est un futur premier centre et n’a récolté qu’un point lors de la victoire de 16-2 du Canada contre l’Allemagne, et, en 2010, lorsque le Canada avait gagné 16-0 contre la Lettonie, Taylor Hall n’avait amassé aucun point, alors que Gabriel Bourque avait récolté 3 buts. Taylor Hall a depuis amassé 563 points en 627 parties ; pour Gabriel Bourque, c’est 103 points en 413 rencontres. Une partie ne définit certainement pas un joueur et des tournois de deux semaines non plus.

Si on se fiait à la production offensive des joueurs pour déterminer leur futur, l’Avalanche serait dans une bien fâcheuse position puisque Nathan MacKinnon n’avait récolté qu’une seule mention d’aide en 6 rencontres, en 2013, lors du CMJ. En 2006, Jonathan Toews avait récolté deux passes en 6 rencontres. Stamkos, malgré ses 6 points en 7 rencontres, n’avait rempli le filet qu’une seule fois en 2008. Il a depuis remporté le trophée Maurice Richard à deux occasions. Oui, une performance dominante contre les meilleurs joueurs de son âge, c’est encourageant, mais le contraire n’est pas indicatif de ce qui est à venir. Il faut aussi dire que Caufield est nettement plus impressionnant cette année, lors du CMJ, que l’année dernière : son coup de patin est amélioré et il domine les équipes adverses en multipliant ses chances de marquer. Même si ce tournoi est plus rapide que la NCAA, Caufield ne semble pas être lent en comparaison à ses coéquipiers, comme le démontre cette séquence.

Cole Caufield se sert de sa vitesse afin de contourner le défenseur russe. Vidéo : PuckDaily via Youtube.
Plus qu’une corde à son arc

Caufield a longtemps été considéré comme un joueur unidimensionnel ne possédant qu’une seule arme : son tir puissant. Le petit Américain a toutefois beaucoup progressé depuis le dernier championnat, notamment en améliorant son coup de patin et en développant sa vision du jeu. Caufield possède un instinct de passeur impressionnant, comme le démontre la séquence suivante.

Caufield sert une passe brillante à son défenseur, qui marque d’un lancer des poignets. Vidéo : PuckDaily via Youtube.

Un autre aspect avec lequel je suis en désaccord avec mon collègue, c’est que Caufield n’est pas le genre de joueur à faire des montées à l’emporte-pièce ou, bien, à déjouer trois joueurs en zone adverse. Toutefois, c’est exactement le genre de choses dont Caufield est capable. Dans la séquence suivante, on peut voir que Caufield possède d’excellentes mains et qu’il sait quand les utiliser à son avantage. Son tir n’est pas son seul outil.

Extraits vidéos de Cole Caufield jouant pour les Badgers du Wisconsin, dans la NCAA. Vidéo : House Of Hockey via Youtube.

En plus de posséder un tir foudroyant, Caufield est agile et rapide, ce qui lui permet de déjouer les adversaires avec aise et de se mettre en position pour marquer des buts spectaculaires. Son physique n’étant pas à son avantage, il doit jouer un style de jeu qui s’apparente à Johnny Gaudreau, c’est-à-dire de souvent changer de direction et de ne jamais arrêter de patiner. Gaudreau, quoiqu’un passeur naturel, a déjà eu une saison de 36 buts, ce qui n’est pas du tout piqué des vers.

Un petit marqueur : du jamais vu?

Yohan apporte un excellent point : il est très rare de voir un buteur prolifique dans la LNH qui est de petite taille. Il y a de cela trois ans, j’aurais été d’accord, mais avec l’arrivée d’Alex DeBrincat, qui évolue avec les Blackhawks de Chicago, la définition de l’archétype d’un buteur a changé. Il n’est plus nécessaire d’être gros et imposant afin de marquer 40 buts. DeBrincat, du haut de ses 5 pieds et 7 pouces, a récolté 41 buts lors de la campagne 2018-2019. Je pourrais mentionner d’autres joueurs ayant une taille inférieure à 5 pieds 10 pouces qui ont rempli le filet lors des dernières années. Cam Atkinson (5 pieds 8 pouces) a récolté 41 buts en 2018-2019. Brad Marchand (5 pieds 9 pouces) a récolté 37, 39 et 34 buts de 2016 à 2019. Cependant, le point de Yohan est que ces joueurs n’ont pas le style de jeu d’un buteur de 50 buts, et je lui donne raison pour les deux derniers noms que je viens de mentionner. Pour DeBrincat, c’est une autre histoire.

Les similarités entre DeBrincat et Cole Caufield sont très nombreuses. Les deux ont été repêchés à un rang inférieur que ce qui était prédit (39e au total pour DeBrincat et 15e pour Caufield) en raison de leur petite taille, les deux sont des marqueurs naturels et possèdent un puissant lancer, les deux sont rapides et agiles sur leurs patins et les deux sont en dessous de la barre des 170 livres. DeBrincat avait aussi connu un CMJ médiocre en 2016, lorsqu’il n’avait récolté qu’une seule mention d’aide en 5 rencontres. Voici une vidéo regroupant les 41 buts de l’attaquant de Chicago en 2018-2019.

Tous les buts d’Alex DeBrincat en 2018-2019. Vidéo : hatrickane via Youtube.

Un point en commun qu’ont à peu près tous ses buts, c’est que son positionnement est toujours parfait, qu’il utilise sa vitesse afin de se démarquer et que son lancer lui permet de marquer à volonté. Les mêmes choses sont vraies pour Caufield, selon plusieurs dépisteurs professionnels. C’est notamment le cas de Steve Kournianos, un dépisteur professionnel ayant fondé le site thedraftanalyst.com. Selon ce dernier, « les petits joueurs, sans parler du type comme Caufield qui remportent des batailles de rondelles, sont maintenant autorisés (et encouragés) à exploiter la lenteur commune de plusieurs équipes de la LNH. Sa capacité de garder le contrôle de la rondelle tout en fonctionnant à grande vitesse et d’avoir la présence d’esprit de repérer la porte arrière ouverte ou la [passe arrière] est un hommage à sa vision périphérique et à son QI élevé au hockey », explique-t-il.

Caufield : un catalyseur à lui seul

Selon mon collègue, Caufield a besoin de joueurs talentueux afin de performer et de compter des buts. Je ne suis pas en accord avec cela puisque, même avec la perte de plusieurs coéquipiers de talent, cette saison, en Alex Turcotte et K’Andre Miller, Caufield a augmenté sa production offensive, passant d’un point par match à 1,2 point par match. C’est aussi ce que croit Steve Kournianos : « Pour le dire simplement, Caufield n’est pas seulement un ailier adolescent tireur d’élite qui a besoin d’un centre étoile pour faire le travail à sa place. Il se bat durement et anticipe la trajectoire de la rondelle à la perfection ».

David St-Louis, un dépisteur professionnel et analyste pour le site réputé eliteprospects.com, croit aussi que Caufield peut générer de l’offensive. « Plus que tout, ce qui distingue Caufield de ses homologues, c’est sa capacité à lire le jeu pour se créer des chances de marquer. Comme dans la façon dont il anticipe les revirements sur le backcheck, triche légèrement offensivement et attrape la défense adverse au dépourvu alors qu’il se repositionne derrière eux dans une position pour tirer. Ou comment il lit les sorties de zone adverses pour voler la rondelle lui-même et attaquer le filet […] Il peut également générer de l’attaque lui-même. Quand on lui donne de l’espace, il peut faire un mouvement sur un défenseur, faire semblant d’aller dans un sens et se frayer un chemin rapidement vers l’emplacement où son tir est le plus dangereux », explique David St-Louis.

Cependant, même si ce qu’avance Yohan s’avérait dans quelques années et que Caufield n’était plus en mesure de générer de l’offensive, et qu’il avait absolument besoin d’un centre élite afin de lui refiler la rondelle, Nick Suzuki et Jesperi Kotkaniemi seront là.

Un marqueur de 40 buts

Cole Caufield, à mon humble avis, sera un marqueur élite de 40 buts et jouera sur un premier trio. Il ne gagnera peut-être jamais de trophée Selke et il ne m’étonnerait pas qu’il récolte plus de buts que de mentions d’aide dans sa carrière. Il se peut très bien, comme l’a aussi dit mon collègue, que je me trompe et que Caufield soit une déception totale. Il serait l’exception à la règle concernant le gabarit traditionnel d’un marqueur de la LNH. Je suis toutefois convaincu que Caufield représente l’archétype d’un nouveau style de buteur et qu’il n’est que le premier de nombreux joueurs à petite stature qui marqueront 40 buts dans les prochaines années.

Antonin Martinovitch

Ayant pratiqué le sport pendant près de 15 ans, Antonin Martinovitch mange, dort et respire hockey. Amateur de statistiques avancées, il fait parler les chiffres, montrant le sport sous un angle différent. Étudiant au baccalauréat en journalisme à l’UQÀM ainsi que dictionnaire sur pattes, il transmet sa passion du monde sportif à travers ses écrits et ses chroniques vidéos. Ses divers intérêts à un bas âge au football, au golf et à la Formule 1 ont aussi persisté, faisant de lui avant tout un amateur de sport. « Comment aimeriez-vous un travail où, chaque fois que vous commettez une erreur, une grosse lumière rouge s'allume et 18 000 personnes vous huent ? » – Jacques Plante

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