Danault parmi les meilleurs

Phillip Danault a terminé 6e au chapitre des votes pour le trophée Selke, remis au meilleur attaquant défensif du circuit Bettman. Crédit photo : Cliquez ici.

Phillip Danault s’est lentement mais sûrement glissé dans la conversation des meilleurs centres à caractère défensif de la LNH, en recevant plus de votes pour le trophée Selke en 2019-2020 que lors des dernières campagnes. Pour les experts et les partisans qui ne voient pas le natif de Victoriaville évoluer chaque soir, il est ardu de saisir l’ampleur de la qualité de son jeu, surtout si l’on se fie à sa production offensive comme seule mesure de son talent. Afin de mettre en contexte les performances du numéro 24 du Tricolore, on se doit de le comparer aux meilleurs du circuit. J’ai donc compilé 10 statistiques importantes de 15 des meilleurs centres de la Ligue nationale de hockey, accompagnées de celles de Phillip Danault, afin d’évaluer ses performances contre l’élite du monde du hockey.

Toutes les statistiques ont été amassées par le biais de Hockey-Reference.com et de QuantHockey.com.

Points par match

Ce que c’est : Le nombre de points qu’un joueur a récolté en moyenne au cours d’une partie durant la saison. Plus ce chiffre est élevé, plus le joueur a une importante production offensive.

Sans surprise, Danault se retrouve dernier dans cette catégorie, avec une production offensive de 0,661 point par match. Il est utilisé dans un rôle plutôt défensif ; sa production se rapproche donc des autres centres plus défensifs de la ligue, comme Ryan O’Reilly (0,959), Jonathan Toews (0,857) et Sean Couturier (0,855). D’un point de vue strictement statistique, Danault n’est pas dans la même ligue que les centres de cette liste. Nous verrons plus tard dans l’article que plusieurs facteurs expliquent cette production inférieure.

Points par 60 minutes de jeu

Ce que c’est : Le nombre de points qu’un joueur a récolté en moyenne au cours d’une période de temps de 60 minutes durant la saison. Plus ce chiffre est élevé, plus le joueur a une importante production offensive.

Ici, Danault gagne du terrain en comparaison avec les centres élites. Si on s’attarde aux points par match, Danault a amassé 0,43 point pour chaque point de McDavid et 0,49 pour chaque point de Crosby. Lorsqu’on compare avec les points amassés par 60 minutes de jeu, c’est 0,5 point pour chaque point de McDavid et 0,62 pour chaque point de Crosby : l’écart a donc été réduit. Ce que cela signifie, c’est que Danault est très efficace malgré sa faible utilisation, comme nous allons le voir dans la section du temps de jeu.

Temps de jeu moyen

Ce que c’est : Le nombre de minutes jouées en moyenne au cours d’une partie durant la saison.

Danault n’est pas le joueur le moins utilisé de cette liste : seuls Elias Pettersson des Canucks de Vancouver et Patrice Bergeron des Bruins de Boston jouent moins de minutes en moyenne par rencontre. La question se pose : si Danault joue plus que Pettersson et Bergeron, comment se fait-il qu’il amasse beaucoup moins de points que ces deux joueurs? Pour répondre à cette question, il faut s’attarder au temps de jeu en avantage numérique et en désavantage numérique.

Temps de jeu moyen en avantage numérique

Ce que c’est : Le nombre de minutes jouées en moyenne en avantage numérique par un joueur lors d’une partie.

Immédiatement, on remarque un écart prononcé entre le temps de jeu en avantage numérique (A.N) de Danault et celui de Bergeron et Pettersson. Alors que le numéro 24 des Canadiens de Montréal joue 1,55 minute par rencontre avec un homme en plus, Bergeron joue 3,6 minutes (2,3 fois plus) et Pettersson joue 3,86 minutes (2,5 fois plus). Avoir une utilisation supérieure en A.N est très favorable à la production offensive, et le fait que Danault joue beaucoup moins que les autres joueurs de cette liste dans de telles situations explique en partie sa production offensive inférieure.

Danault a un temps de jeu moyen de 18,83 minutes et joue 1,55 minute par rencontre en A.N, ce qui signifie que 8,2% de son temps de jeu est passé avec un homme en plus. Si on compare avec Bergeron, ce pourcentage grimpe à 19,2%, et pour Pettersson, 20,8%. On comprend immédiatement que Danault est désavantagé par rapport à ces joueurs lorsqu’on parle de production offensive.

Temps de jeu moyen en désavantage numérique

Ce que c’est : Le nombre de minutes jouées en moyenne en désavantage numérique par un joueur lors d’une partie.

Ce désavantage est accentué lorsqu’on s’attarde au temps de jeu moyen en infériorité numérique (D.N). Danault est le meneur clair dans cette catégorie, avec 2,5 minutes par rencontre, et les joueurs les plus proches sont Sean Couturier (2,03 min) et Ryan O’Reilly (2,13 min). Proportionnellement, Danault est encore une fois très désavantagé. Il passe 13,27% de son temps à court d’un homme, alors que, pour Couturier, ce chiffre est réduit à 10,25%, et, pour O’Reilly, 10,35%. Encore là, on ne parle que des joueurs à caractère plus défensif parce que Crosby, Eichel, MacKinnon, McDavid, Malkin et Matthews jouent tous moins de 10 secondes par partie en D.N, ce qui, forcément, leur permet d’utiliser leur énergie à égalité numérique ou en A.N.

Si on prend en compte les trois dernières statistiques, on comprend assez rapidement pourquoi Danault a, entre autres, une production offensive moindre que les autres joueurs de la liste. Non seulement joue-t-il moins que les autres, mais il passe aussi moins de temps en A.N et plus de temps en D.N. Il y a évidemment d’autres facteurs qui entrent en jeu pour expliquer cet écart, comme le talent brut, la qualité des coéquipiers, etc., mais une partie de la réponse peut être trouvée dans son utilisation.

Pourcentage de mises au jeu gagnées

Ce que c’est : Le pourcentage de mises au jeu qu’un joueur a gagnées en moyenne lors de la saison. Plus le pourcentage est élevé, plus le joueur a gagné de mises au jeu.

Danault n’est pas piqué des vers au cercle des mises au jeu : il devance Malkin, McDavid, Pettersson, Aho et MacKinnon, avec une efficacité de 54,5%. Un pourcentage de la sorte est extrêmement utile pour une équipe, en considérant surtout que Danault est utilisé à prédominance défensive. Il est beaucoup plus important de gagner ses mises au jeu en zone défensive qu’en zone offensive. Même si le dicton populaire veut que la meilleure défense soit une bonne attaque, il est plus coûteux de perdre une mise au jeu défensive qu’une mise au jeu offensive.

C’est donc pourquoi Danault, qui est dernier en termes de départs en zone offensive, gagne des mises au jeu beaucoup plus importantes que Crosby, par exemple. Un haut pourcentage de mises au jeu gagnées lorsqu’on prend beaucoup de mises au jeu en zone défensive est plus impressionnant que le contraire. Danault se démarque dans cette catégorie, même s’il est 9e en termes de pourcentage contre les joueurs de cette liste.

Pourcentage de départs en zone offensive

Ce que c’est : Le pourcentage de séquences qu’un joueur débute en zone offensive versus en zone défensive. Plus le pourcentage est élevé, plus le joueur débute de séquences en zone offensive.

Encore une fois, Danault se retrouve dernier dans cette catégorie. Puisque plus de départs en zone offensive équivalent à plus de chances de marquer, Danault a donc moins d’opportunités de faire valoir son talent offensif. Il débute moins de 50% de ses séquences en zone offensive (48,9%), ce qui signifie qu’il est utilisé plus en situation défensive, surtout lorsque l’on considère sa faible utilisation en A.N et sa grande utilisation en D.N.

Lorsque je mentionnais plus tôt l’écart du nombre de points entre Danault et Bergeron et Pettersson malgré leur temps de jeu similaire, on a pu comprendre cette différence avec le temps jeu sur les unités spéciales. Cet écart est d’autant plus compréhensible quand on voit maintenant que Bergeron débute 60,3% de ses séquences en zone offensive et que, pour Pettersson, ce chiffre est de 61,4%. Certes, Kopitar et O’Reilly ont un pourcentage semblable à celui de Danault dans cette catégorie, mais leur temps d’utilisation en A.N est 1,85 fois plus élevé.

Efficacité des tirs lorsque sur la patinoire

Ce que c’est : Le pourcentage d’efficacité des tirs de l’équipe du joueur lorsqu’il est présent sur la patinoire.

Danault a le troisième moins bon pourcentage d’efficacité des tirs parmi les joueurs de la liste. À première vue, on peut croire qu’il s’agit du facteur chance plus qu’autre chose. Certes, la chance et les bonds favorables jouent un rôle dans le pourcentage d’efficacité des tirs et, cette saison, les Canadiens et Danault n’ont pas été avantagés dans ce domaine (voir : série contre les Flyers de Philadelphie). Cependant, d’autres facteurs entrent en jeu, notamment la qualité du tir du joueur, ainsi que la qualité des coéquipiers de ce dernier.

Ce qui est certain, c’est que Danault n’est pas un franc-tireur. En 71 parties cette saison, il a dirigé 131 tirs au filet, avec un pourcentage de réussite de 9,9%, en plein dans la moyenne de la ligue. Quand on compare à Matthews, qui a tiré 290 fois, avec un pourcentage d’efficacité de 16,2%, on saisit immédiatement la différence dans la qualité du tir de ces deux joueurs. Ne possédant pas un lancer foudroyant, on peut comprendre que l’efficacité des tirs lorsqu’il est sur la patinoire n’est pas très élevée.

Le deuxième facteur qui entre en jeu est la qualité des coéquipiers : jouer avec des joueurs talentueux, possédant de bons tirs et une vision du jeu élite a tendance à faire fluctuer l’efficacité des tirs à la hausse. C’est donc pourquoi, dans la liste, Bergeron possède le pourcentage le plus élevé, jouant avec deux excellents joueurs, Brad Marchand et David Pastrnak. MacKinnon, lui, joue avec Rantanen et Landeskog, tandis que Pettersson joue avec Miller et Boeser, ce qui explique leurs pourcentages élevés. Ce n’est pas pour dire que Tatar et Gallagher, les coéquipiers de Danault, sont mauvais, loin de là. Mais lorsqu’on les compare aux coéquipiers de Matthews ou de MacKinnon, un écart se creuse. Il en va de même pour les deux autres joueurs ayant des faibles pourcentages d’efficacité des tirs : Anze Kopitar et Sidney Crosby. Même si les deux possèdent de très bons tirs, ils ne sont pas des francs-tireurs et jouent avec des joueurs à faible talent.

Le pourcentage d’efficacité des tirs a un impact direct sur le nombre de points amassés par un joueur. Plus le pourcentage est élevé, plus il y a de chances que le joueur amasse un point. Danault ayant un pourcentage faible, même s’il crée beaucoup de chances de marquer, celles-ci ne se traduisent pas aussi souvent en buts que pour Bergeron, par exemple.

Différentiel des buts attendus

Ce que c’est : Il s’agit d’une statistique qui implique qu’on soustraie le chiffre des buts contre attendus au chiffre des buts pour attendus. Les buts attendus, ou xG, sont le nombre de buts qu’un joueur ou une équipe aurait dû marquer si l’on considère le nombre et le type de chances qu’il ou elle a eu dans un match. On se base donc sur la provenance des tirs, en rapport au pourcentage d’efficacité du tir à travers la ligue à partir de cet endroit. Plus le différentiel est élevé et dans la colonne des positifs, plus les chances de marquer sont en faveur de l’équipe du joueur, tant en qualité qu’en quantité.

C’est ici que Danault se démarque des autres joueurs de la liste, et ce n’est même pas proche. Cette statistique est quelque peu difficile à comprendre, je vais donc tenter de la simplifier du mieux que je peux. Si on se fie au nombre de tirs et au nombre de chances de marquer des Canadiens lorsque Danault est sur la patinoire, en considérant la probabilité que ces tirs résultent en un but, selon la moyenne de la ligue, il devrait y avoir eu 57,2 buts. Pour ce qui est de l’équipe adverse, lorsque Danault est sur la patinoire, il devrait y avoir eu 35,8 buts, ce qui représente un différentiel de +21,4.

Ce que cela signifie, c’est que lorsque Danault est sur la patinoire, il crée un nombre incroyable de chances de marquer et empêche l’équipe adverse d’en créer. Un différentiel aussi élevé devrait être normal quand on parle d’un joueur générationnel qui joue avec une équipe dominante. Cependant, Danault n’est pas un joueur d’une telle trempe et les Canadiens de Montréal étaient à l’extérieur du portrait des séries éliminatoires lors de l’arrêt de jeu. Comment donc expliquer un tel écart?

Danault est bon, très bon même. Au niveau de son talent et de ses habiletés, rien ne saute aux yeux lorsqu’on l’observe jouer. Mais ce qui manque à Danault en puissance de tir, en vitesse et en vision du jeu, il le rachète par une éthique de travail exemplaire et, surtout, une intelligence hors du commun. C’est ce qui le démarque et fait de lui un joueur qui a sa place parmi les autres noms : son positionnement, son intuition et sa capacité décisionnelle. Très rares sont les fois où Danault sera pris hors position, qu’il se fera battre de vitesse ou même qu’il créera un revirement. Il se fait rarement battre sur le long des bandes, non pas en raison de son gabarit imposant, mais par le positionnement de son corps et de son bâton, ainsi que sa capacité à prédire le comportement des joueurs adverses.

Toutes ces qualités si essentielles à un joueur de hockey sont des choses que l’on ne peut enseigner et qui se voient difficilement sur une patinoire. Danault réalise tous les petits détails parfaitement et, même si cela ne se traduit pas par une production offensive de 100 points, les chances de marquer sont là. Danault, entouré de joueurs tels que Pastrnak ou Rantanen, pourrait aisément atteindre le plateau du point par match.

Statistique avancée : Corsi et Corsi relatif

Ce que c’est : Le Corsi est une mesure que l’on obtient en additionnant tous les tirs, les tirs bloqués et les tirs ratés. Le Corsi est donc un pourcentage que l’on obtient en calculant quelle proportion le Corsi pour a avec le Corsi contre. Si le pourcentage est au-dessus de 50%, cela signifie que l’équipe contrôle la rondelle plus souvent lorsque le joueur est sur la glace. Le Corsi relatif représente le Corsi du joueur lorsqu’il est sur la patinoire, soustrait du Corsi lorsqu’il n’est pas sur la patinoire. Plus le chiffre du Corsi relatif est élevé, plus le joueur a une marge d’impact positif élevée sur son équipe.

Un autre excellent exemple de la domination de Danault et de son trio à 5 contre 5 est la statistique du Corsi et du Corsi relatif. Comme il est indiqué dans l’explication du Corsi ci-haut, si un joueur possède un chiffre au-delà de 50%, l’équipe contrôle la rondelle plus souvent qu’autrement. Danault est si loin des joueurs de cette liste en termes de Corsi que c’en est épeurant. Vous pourriez me sortir l’argument que le système de jeu de Claude Julien est favorable à la possession de rondelle et que son Corsi est donc élevé pour cette raison. Cependant, c’est là que le Corsi relatif joue son rôle : si cet argument était réellement valide, le Corsi relatif de Danault ne serait pas aussi élevé. Mais puisqu’il l’est, cela veut dire que Danault domine les trios adverses de façon beaucoup plus prononcée que les trois autres trios de l’équipe.

Danault, un centre générationnel?

Malgré tout ce qui est avancé dans cet article, Danault n’est pas au même niveau que MacKinnon, McDavid ou Matthews. Ce qui sépare ces joueurs de Danault, c’est leur lancer, leur vitesse, leur maniement de la rondelle et leur vision du jeu. Danault n’a pas de capacités élites dans ces domaines, ce qui l’empêche, à un certain degré, de produire autant offensivement et d’être considéré au même niveau que ces joueurs.

Cependant, je crois qu’il est nettement meilleur que ce que sa réputation suggère. Je crois fermement que si Danault avait été à la place de Bergeron ces trois dernières années, il aurait remporté un Selke et serait considéré comme l’un des meilleurs centres de la Ligue nationale de hockey. Idem pour Couturier, O’Reilly, Toews ou Kopitar.

Dans le top 20 des centres?

Oui. Je crois que Danault a un tel impact qu’il peut être considéré comme l’un des 20 meilleurs centres de la ligue. Pour avoir vu jouer Danault des centaines de fois lors des dernières années, il y a peu de centres qui pourraient faire un meilleur boulot que le Québécois. Voici donc mon classement des meilleurs centres de la Ligue nationale de hockey :

  1. Connor McDavid
  2. Nathan MacKinnon
  3. Sidney Crosby
  4. Leon Draisaitl
  5. Jack Eichel
  6. Evgeni Malkin
  7. Auston Matthews
  8. Aleksander Barkov
  9. Ryan O’Reilly
  10. Elias Pettersson
  11. Patrice Bergeron
  12. Sean Couturier
  13. Sebastian Aho
  14. Anze Kopitar
  15. Mathew Barzal
  16. Brayden Point
  17. Mark Scheiffele
  18. Steven Stamkos
  19. Jonathan Toews
  20. Phillip Danault

Antonin Martinovitch

Ayant pratiqué le sport pendant près de 15 ans, Antonin Martinovitch mange, dort et respire hockey. Amateur de statistiques avancées, il fait parler les chiffres, montrant le sport sous un angle différent. Étudiant au baccalauréat en journalisme à l’UQÀM ainsi que dictionnaire sur pattes, il transmet sa passion du monde sportif à travers ses écrits et ses chroniques vidéos. Ses divers intérêts à un bas âge au football, au golf et à la Formule 1 ont aussi persisté, faisant de lui avant tout un amateur de sport. « Comment aimeriez-vous un travail où, chaque fois que vous commettez une erreur, une grosse lumière rouge s'allume et 18 000 personnes vous huent ? » – Jacques Plante

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