Incursion dans les bases partisanes de la LNH – partie 1

Les partisans des Canadiens de Montréal ne sont pas toujours les plus faciles à suivre. Photo : Anirudh Koul | CC 2.0.

Des réactions plus ou moins réfléchies, des attentes démesurées et des critiques gratuites, voilà comment est souvent perçue la base partisane des Canadiens de Montréal. Cependant, rares sont ceux qui ont pris le temps de la comparer avec celles des autres formations de la LNH.

Vouloir devenir journaliste vient avec certaines obligations déontologiques. La première et la plus importante est, bien sûr, l’objectivité et le recul lors de l’analyse d’un sujet, afin d’offrir au public un article qui n’est pas biaisé et qui permet de présenter tous les points de vue sans parti pris. Dans le cas des journalistes sportifs, cela signifie aussi d’arrêter d’être partisan à 100% d’une équipe et de prendre ses distances émotionnellement par rapport à celle-ci.

C’est donc l’an dernier que j’ai commencé à me distancer des Canadiens de Montréal. Pour être plus précis, c’est au moment où nous avons commencé à travailler sur Le Club-École, puisque j’allais être appelé à couvrir le hockey de la LNH et que je devais ainsi être en mesure d’avoir un œil beaucoup plus objectif. Voilà donc un an que je ne me considère plus comme un partisan du CH, que je ne dis plus « on » ou « nous » lorsque je parle de l’équipe, que je ne m’emballe pas chaque fois que l’on parle de Cole Caufield ou de Carey Price, que je ne veux pas trucider Marc Bergevin lorsqu’il complète une transaction et que je n’injure pas l’entraîneur sur les réseaux sociaux en raison d’une de ses décisions.

Cependant, au cours de la dernière année, ma présence sur Twitter a grandi de façon considérable. Je lis beaucoup plus de commentaires, de statuts, de publications et d’analyses de partisans qui m’ont fait réaliser que la base partisane des Canadiens, du moins la portion de celle-ci qui s’exprime sur les réseaux sociaux, est pour le moins particulière. On entend souvent dire que les partisans du Tricolore sont parmi les meilleurs à travers la Ligue nationale. Pour avoir assisté à quelques matchs au Centre Bell au cours de ma vie, je peux témoigner du fait que les partisans de Montréal aiment leur équipe, que l’ambiance de l’aréna est absolument électrisante, surtout lors d’un but ou d’un arrêt spectaculaire. Le problème des partisans du CH n’est pas au niveau de ceux qui assistent aux rencontres à domicile. Il se situe plutôt au niveau de ceux qui s’expriment librement sur les réseaux sociaux et qui, de toute évidence, n’ont pas une connaissance très approfondie du hockey.

Une affirmation qui perturbe

Au cours de cette période, il y a une phrase qui a attiré mon attention et qui m’a trotté dans la tête à chaque fois que je l’ai entendue ou lue : « Montréal est le seul endroit où… » La suite de cette phrase est généralement l’une des options suivantes :

« les partisans demandent des joueurs locaux pour ensuite les crucifier sur la place publique »

« les partisans vont vanter les succès d’un joueur, puis réclamer que l’organisation l’échange un jour plus tard »

« ça sent la coupe après une victoire et c’est l’hécatombe après une défaite »

Ces affirmations sont plutôt vraies. En effet, il est assez spectaculaire de voir comment la perception populaire de Carey Price évolue au fil d’une année. Passant de « héro des séries » à « gardien élite » à « joueur surpayé », puis à « fardeau pour l’équipe », sans oublier le stade « passoire », Price a atteint un fond sans précédent lorsque les partisans se sont payé sa tête après qu’il ait accordé trois buts lors d’un match de réhabilitation dans la Ligue américaine. Cependant, depuis le début des séries éliminatoires, c’est-à-dire depuis deux matchs, Price est le meilleur joueur de l’équipe selon ces mêmes partisans.

Tomas Tatar en est un autre qui change de valeur aux yeux du public aussi vite que Paul Byron en échappée. La même chose peut être dite de Jonathan Drouin, dont les critiques semblent finalement être venues à bout de lui en fin de saison, alors qu’il s’est volontairement retiré de l’équipe.

Le point le plus ridicule des partisans des Canadiens est toutefois la manière dont ils évaluent les jeunes joueurs. Au début de l’année, Nick Suzuki et Jesperi Kotkaniemi étaient vus comme des centres de premier trio, Jake Evans allait sortir Phillip Danault de l’alignement et Alexander Romanov était la neuvième merveille du monde. Pourquoi pas la huitième? Parce que celle-ci jouait pour son équipe universitaire au Wisconsin. Oui, les partisans sont en droit d’être excités face à ces jeunes étoiles montantes, mais ce sont leurs attentes démesurées envers ceux-ci et les réactions qui suivent lorsqu’elles ne sont inévitablement pas atteintes qui font en sorte que les joueurs ne sont pas intéressés à venir jouer à Montréal.

Inutile de vous dire que j’ai énormément ri en écoutant la vidéo de Pierre-Yves Roy-Desmarais pour le début des séries éliminatoires, dans laquelle il se moque justement de ces émotions en montagne russe des partisans du Tricolore. Il ne faut toutefois pas généraliser et dire que TOUS les partisans sont ainsi. La vérité est que la base partisane du CH est divisée. D’un côté, nous avons justement la montagne russe, dont l’attitude semble presque changer en fonction de la température puisqu’il ne semble pas y avoir d’autre explication. De l’autre, nous avons cependant les gens qui sont en mesure d’avoir un discours plus poussé et qui voient plus loin que le tableau indicateur dans leur analyse des performances.

En une minute, Pierre-Yves Roy-Desmarais a parfaitement résumé la base partisane des Canadiens. Vidéo : HabsTV.
Une enquête s’imposait

Je ne peux cependant m’empêcher de repenser au début de l’affirmation mentionnée plus haut. Comment pouvons-nous être certains que Montréal est le seul endroit où ces situations se produisent? Que savons-nous réellement des partisans des autres équipes de la LNH? J’ai décidé de tenter de répondre à ces deux questions en partant à la découverte. J’allais mener ma propre enquête sur le terrain et j’allais m’infiltrer dans les bases partisanes d’autres équipes de la ligue. Cependant, considérant que nous vivons une pandémie mondiale qui nous force à demeurer à notre domicile, je n’ai pas pu me rendre sur place pour réellement discuter avec les gens et découvrir les ambiances des arénas. J’y suis donc allé par Twitter, où j’avais originellement pris conscience des problèmes qu’il y avait chez les partisans des Canadiens.

L’objectif : créer trois nouveaux comptes Twitter dont j’allais remplir les fils d’actualité avec des publications sur trois équipes différentes. Ainsi, j’allais pouvoir recréer en partie le fil de mon compte personnel, dont la majorité des publications concernent le CH, mais avec une vision centrée sur ces trois formations.

J’ai commencé par me mettre des critères à respecter pour la sélection des trois équipes. Premièrement, j’ai exclu toutes les équipes que je suivais déjà depuis un certain temps sur les réseaux sociaux, que ce soit parce que j’étais partisan de ces équipes, que je m’étais mis à les suivre pendant un pool ou pour toute autre raison. Ainsi, j’ai exclu les Blackhawks de Chicago, les Jets de Winnipeg, les Canucks de Vancouver, le Lightning de Tampa Bay et les Predators de Nashville. Par souci de transparence, j’ai également exclu les Maple Leafs de Toronto et les Bruins de Boston, que j’ai détestés pendant de nombreuses années, au cas où mon évaluation des partisans de ces équipes soit teintée par un restant de haine envers eux. Une fois ces équipes exclues, j’ai procédé à la sélection des formations selon trois critères bien précis.

Premièrement, je voulais une autre formation canadienne, afin de comparer les situations au nord de la frontière. Cependant, après les exclusions, il me restait seulement les Flames de Calgary, les Oilers d’Edmonton et les Sénateurs d’Ottawa. Mon choix était cependant fait d’avance, alors que j’avais déjà ciblé les Sénateurs. La raison était plutôt simple : Ottawa est l’endroit le plus près de Montréal. Avec un assouplissement des mesures sanitaires, Ottawa était la seule ville où j’aurais pu réalistiquement me déplacer. Ces assouplissements ne sont cependant jamais arrivés, mais les Sénateurs sont demeurés une équipe plus qu’intéressante, notamment en raison des nombreux jeunes qui ont fait leurs débuts cette saison.

Ensuite, je voulais une équipe récemment championne de la Coupe Stanley. J’avais donc le choix entre les Blues de St-Louis, les Capitals de Washington, les Penguins de Pittsburgh et les Kings de Los Angeles. Un choix au hasard a décidé que je surveillerais les Capitals. Disons que je suis encore très content de ce résultat puisqu’à lui seul, Tom Wilson m’en a donné pour mon argent.

Finalement, il ne restait plus qu’une équipe à choisir. Voulant conserver une certaine liberté au niveau du choix, j’y suis allé d’un tirage au sort qui a permis à trois équipes d’être en nomination avant d’en sélectionner une. Ainsi, les Coyotes de l’Arizona, les Blue Jackets de Columbus et les Islanders de New York étaient les équipes finalistes et mon choix s’est arrêté sur l’équipe de l’Ohio, qui faisait déjà les manchettes plus souvent qu’à son tour en raison de son entraîneur au caractère particulièrement explosif.

Je me suis donc créé trois nouveaux comptes Twitter en m’abonnant à des comptes de partisans, de journalistes, de blogueurs et d’équipes ainsi qu’aux mots-clés liés aux trois formations précédemment mentionnées. Pendant deux mois, j’ai surveillé presque quotidiennement les bases partisanes de ces équipes, en notant les réactions et les commentaires face aux performances, aux transactions et aux décisions des entraîneurs.

Le constat : à l’instar de ceux des Canadiens, les partisans des Sénateurs, des Capitals et des Blue Jackets sont motivés, impliqués et il n’y a aucune décision et aucune situation qui les laisse indifférents. Cependant, ces réactions étaient souvent diamétralement opposées à celles des partisans du Tricolore de plusieurs manières qui seront discutées dans cette série d’articles.

Je vous donne donc rendez-vous demain pour le compte-rendu de mes observations sur la base partisane des Sénateurs d’Ottawa.

Yohan Carrière

Après un stage d'exploration à RDS en 2015, Yohan Carrière débute officiellement sa formation journalistique au cégep Marie-Victorin en 2017. Aujourd'hui étudiant en journalisme à l'UQAM, il compte à son actif plusieurs collaborations, notamment à la radio et en vidéo avec L'Avantage Terrain et à l'écrit avec le magazine L'apostrophe. Il a également contribué à la couverture des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo et Beijing avec Radio-Canada. Toujours considéré par ses pairs comme un excellent communicateur, il vise aujourd'hui à mettre sa voix et sa plume au service des amateurs de sports. En tant qu'ex-joueur et entraîneur de hockey-cosom au sein du RSEQ, il garde un intérêt pour le sport-étudiant, mais se spécialise surtout dans le monde du hockey, du baseball, du tennis et de la Formule 1.

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