La folie saoudienne

Cristiano Ronaldo célébrant l’un de ces buts dans l’uniforme d’Al-Nassr. Pour l’instant, il compte 6 réalisations ainsi que 4 passes décisives cette saison en championnat.
Crédit : Saudi Pro League / Twitter

Le mercato a encore une fois été un pur divertissement pour les amateurs de soccer cet été. Que ce soit les dépenses excessives de Chelsea (encore une fois), la saga Kylian Mbappé avec le PSG en passant par le transfert d’Harry Kane au Bayern Munich, le marché des transferts a une fois de plus soulevé la passion et (parfois) la déception des différents partisans. Cependant, l’Arabie Saoudite, acteur majeur mais inattendu du mercato, s’est immiscé dans les transactions européennes, secouant le monde du ballon rond.

Le championnat saoudien a été sans contredit l’une des têtes d’affiche de ce mercato endiablé en amenant un nombre impressionnant de joueurs de qualité au Moyen-Orient. Le récent intérêt envers la Saudi Pro League n’est dû qu’à une chose : l’argent, beaucoup d’argent et ce, autant dans les indemnités de transfert que dans les salaires versés aux joueurs.

En effet, le célèbre Cristiano Ronaldo a été le premier transfert majeur du côté de l’Arabie Saoudite. Après sa querelle et sa résiliation de contrat avec Manchester United à l’hiver 2022, CR7 a rejoint le club de Al-Nassr, il est ainsi devenu le premier transfert majeur du championnat saoudien. Son salaire annuel? Plus de 200 millions d’euros.

Le grand portugais a été le seul joueur de renom a s’amener dans le pays du Golfe lors de la saison 2022-2023. Cependant, de nombreuses vedettes européennes l’ont imité cet été. Entre autres, son nouveau coéquipier Sadio Mané qui gagne aux alentours de 40 millions d’euros à Al-Nassr. Ensemble, Ronaldo et Mané sont parvenus à offrir la première Coupe arabe des clubs champions à leur équipe dernièrement.

Al-Ittihad est un autre club saoudien s’étant largement signalé avec, notamment, les signatures de deux français, Karim Benzema (Ballon d’or en titre) et N’Golo Kanté. Tout comme son ancien comparse à Madrid, Benzema gagne environ 200 millions d’euros annuellement tandis que le petit Kanté touche 100 millions d’euros.

Le salaire de Neymar Jr, arrivé récemment à Al-Hilal, s’apparente à celui de Kanté, mais le Brésilien peut compter sur plusieurs avantages et bonus en plus (prime à chaque victoire du club ou prime pour la promotion de l’Arabie Saoudite sur Instagram par exemple). Sans oublier que Al-Hilal a versé près de 100 millions d’euros au Paris Saint-Germain pour le transfert de l’ancien barcelonais maintenant âgé de 31 ans. Al-Ahli est un autre de ces clubs qui est parvenu à acquérir de réputés joueurs européens, tels Roberto Firmino (22 millions d’euros en salaire annuellement), Riyad Mahrez (35M) ou encore Édouard Mendy (environ 14M).

D’où provient cette richesse instantanée?

Dans les derniers mois, l’Arabie Saoudite a mis en œuvre une société d’investissement, nommée le fonds public d’investissement d’Arabie Saoudite pour renforcer sa position dans le sport et le divertissement afin « d’accélérer la croissance de ces secteurs ». Plus précisément, il s’agit d’un fonds souverain, l’un des plus richissimes au monde. Celui-ci concentre son financement sur une multitude de sports et de secteurs d’activités, dont le soccer, via la Saudi Pro League. Or, pour l’instant, ce fonds centre son aide financière sur quatre clubs du championnat saoudien soit ceux nommés plus haut, Al-Nassr, Al-Ittihad, Al-Hilal et Al-Ahli.

Évidemment, le fait que le financement ne soit concentré que sur ces quatre équipes n’aide aucunement à la parité de la Saudi Pro League. Les autres clubs saoudiens sont bien loin de pouvoir mettre en place un effectif aussi talentueux et surtout aussi coûteux que les formations appuyées par le fonds souverain. La saison est encore bien jeune, mais il ne faudrait pas être surpris de voir Al-Nassr Al-Ittihad, Al-Hilal et Al-Ahli au sommet du classement. La qualité de jeu amenée par ces nouveaux venus européens est tout simplement incomparable à celle des joueurs des autres équipes saoudiennes. Dans une ligue où l’on compte 18 équipes, si quatre d’entre elles ont des moyens carrément supérieurs , le mot « parité » ne peut tout simplement pas s’appliquer. Bien entendu dans les grandes ligues européennes ou même ici en MLS il y a des écarts de parité au niveau monétaire, certes, mais on ne parle pas de centaines de millions.

Jouer pour l’argent au détriment du niveau de jeu

Bon nombre de partisans et de personnalités bien connues dans le monde du ballon rond en Europe se sont exprimées par rapport à la migration ahurissante de joueurs européens vers l’Arabie Saoudite. Le milieu de terrain du Real Madrid Toni Kroos n’a pas mâché ses mots lorsque la jeune sensation espagnole de 21 ans Gabri Veiga a rejoint le club de Al-Ahli il y a quelques semaines en provenance du Celta Vigo. En effet, Veiga a reçu plusieurs offres de grands clubs européens, notamment Naples en Italie, mais a finalement choisi d’accepter la proposition d’Al-Ahli (salaire d’environ 12M d’euros). Kroos ne s’était alors pas gêné en apprenant la nouvelle, qualifiant la décision de Veiga d’« embarrassante » sur les réseaux sociaux.

L’Allemand de 33 ans avait aussi déclaré :

« Chacun doit prendre cette décision pour lui-même, comme Cristiano Ronaldo, qui a décidé de le faire en fin de carrière. Mais cela devient vraiment problématique lorsque des joueurs qui sont en milieu de carrière et ont la qualité pour jouer parmi les meilleurs clubs d’Europe décident de faire de tels changements. »

« Ensuite on dit qu’ils jouent du football ambitieux là-bas. En fin de compte, c’est une décision basée uniquement sur l’argent et contre le football. À partir de là, ça commence à devenir difficile pour le football que nous connaissons et aimons tous. », ajoute-t-il.

Les propos de Kroos s’appliquent très bien à la situation de Gabri Veiga. Celui-ci, plein de potentiel, a choisi l’argent plutôt que de poursuivre son développement dans un championnat beaucoup plus compétitif que la Saudi Pro League.

Des changements s’imposent

L’entraîneur-chef du club de Liverpool en Angleterre, Jurgen Klopp, a aussi commenté le cas de l’Arabie Saoudite.

« La différence entre les contrats ici et les contrats là-bas est énorme. C’est un problème. 100%. », a-t-il décrié.

« C’est quelque chose que l’UEFA (Union des associations européennes de football) ou qui que ce soit devrait surveiller, car nous devons tous protéger le jeu. Je ne sais pas où cela nous mènera, mais cela ressemble plus à une menace ou à une préoccupation qu’à une simple inquiétude, car je ne vois pas comment nous pouvons vraiment l’empêcher [la situation de dégénérer] , que pouvons-nous faire ? », a t-il poursuivi.

« Nous devons nous assurer que les ligues européennes restent aussi fortes qu’elles le sont, donc nous devons changer les lois, les adapter. », a conclu le technicien allemand.

Le problème est que l’UEFA ne régit que les fédérations européennes de football, elle n’a donc pas son mot à dire en ce qui concerne les actions posées par le championnat saoudien. De plus, si les grands clubs européens craignent la migration massive de joueurs de qualité vers l’Arabie Saoudite, n’est-ce pas leur responsabilité de refuser les offres du pays du Golfe?

Il sera intéressant de voir si les prochaines fenêtres de transferts ressembleront à celle qui vient de se terminer. Les craintes de Toni Kroos et de Jurgen Klopp se matérialiseront-elles? La Saudi Pro League reviendra-t-elle encore à la charge avec encore plus de propositions onéreuses? Est-ce que les autres clubs saoudiens bénéficieront à leur tour du fonds souverain? L’avenir le dira, mais il se peut que ce mercato estival 2023 soit le premier pas vers un chamboulement du système transactionnel footballistique en Europe.

Olivier Prince-Groleau

Grand fan de sport, surtout le hockey et le soccer, Olivier est un grand sportif de salon et ne s'en cache pas. Ce dernier regarde énormément de faits saillants des matchs qui l'intéresse sur YouTube, s'en est presque maladif. Celui que l'on surnomme OPG adore consommer du sport, mais aussi en faire et là on ne parle pas d'aller au gymnase, mais plutôt de jouer à un sport concrètement. En effet, il pratique le hockey depuis l'âge de 6 ans et il fait également du soccer/futsal depuis l'âge de 8 ans.  Les grands évènements sportifs comme les Olympiques, la Coupe du Monde ou encore les séries éliminatoires de la LNH sont de véritables sources de plaisir pour lui. Bref, un vrai sportif dans l'âme et dans le corps!

2 réflexions sur “La folie saoudienne

  • 5 septembre 2023 à 20:59
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    Très bel article vraiment bien écrit !

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  • 10 septembre 2023 à 13:37
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    Très intéressant et instructif comme article. De plus, ça peut aider à éveiller les consciences sur un sujet qui dépasse largement le monde du sport.

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