Lettre d’amour à toi qui m’es revenu

Après un long retour à la normale, les partisans de la NBA profitent d’un excellent spectacle cette saison. Photo : Michael Tipton | CC 2.0.

Le soir du 11 mars 2020, alors que les derniers rayons safran de la journée s’estompaient derrière la façade du mont Royal, je t’ai vu me quitter. Sans promesse de retour, sans espoir de réunion, tu m’as laissé, attristé et le cœur en lambeaux, seul sur mon divan, une bière qui avait été froide à la main.

Jadis, la condensation ruisselait sur cette bière. Les premières gorgées si rafraîchissantes avaient augmenté mon excitation pour ce qui était à venir. Une nuit mémorable était à nos portes! Comment aurais-je pu prédire ce qui nous attendait?

Une demi-heure plus tard, alors que le ballon aurait dû être mis en jeu, j’ai plutôt eu droit à la fin de nous. Le match entre le Jazz et le Thunder était annulé. Choqué, je n’avais plus l’esprit à la célébration, et cette bière, maintenant tiède, vit la fin de ses jours dans l’évier de la cuisine. 

C’est le lendemain que mes peurs les plus effrayantes furent confirmées. La saison de la NBA était mise sur la glace et, toi, mon amour, la lumière des mes jours en cette fin de l’hiver, on t’arrachait à moi. Le cœur chancelant sans toi, j’étais un homme brisé, errant sans dessein de l’aube au crépuscule, traînant des pieds sur le sol aride d’une Terre sur laquelle je ne voulais exister sans toi. 

Oui, nous nous sommes revus brièvement pour les séries éliminatoires dans une bulle en Floride, mais, après une séparation si prolongée, notre relation n’était pas la même. Notre chimie d’antan nous échappait. Ce n’était pas la même ambiance. Simplement, encore blessé de ton premier départ, je ne me suis pas permis d’espérer un retour à la normale, de peur de te revoir me tourner le dos quelques semaines plus tard. 

Et c’est exactement ce qui est arrivé. Après que les Lakers aient gagné le championnat, tu as de nouveau disparu, sans me laisser savoir quand ou si tu reviendrais. 

Les prochains mois furent remplis de prières et de supplications. « Dieu, si tu es à l’écoute, rends-moi mon amour et, pour te remercier, plus jamais je ne mélangerai bière et liqueur. Plus jamais je ne me moquerai de LeBron James. » Bien sûr, c’étaient des mensonges. Mais, malgré ma malhonnêteté, Dieu crut bon de me répondre. Le 22 décembre 2020, il me rendit mon amour pour de bon.

Et quelle saison extraordinaire depuis nos retrouvailles!

J’aime que Stephen Curry ait retrouvé sa forme de 2015. Ce dernier étant létal du périmètre, les défenseurs adverses doivent absolument le couvrir dès la seconde où il traverse la ligne du centre, sinon il a le temps de les disséquer et de prendre son temps pour envoyer les tirs avec lesquels il est le plus confortable. 

J’aime que les Suns aient continué sur leur lancée de la fin de la saison passée. Oui, Devin Booker est un jeune marqueur prolifique, mais, sans Chris Paul, cette équipe n’est pas en position de compétitionner pour le premier rang dans la conférence de l’Ouest. Dans sa 16e saison, le petit général est aussi efficace qu’il l’était quand il portait les couleurs des Hornets et qu’il a poussé les Spurs à leur limite en séries. 

J’aime que ce soit le Jazz de l’Utah qui se bat avec les Suns pour le premier rang. C’est bon pour la ligue quand les équipes évoluant dans des plus petits marchés sont compétitives. Dans l’Ouest, c’est particulièrement bon quand les équipes de Los Angeles ont de la difficulté. Avec Donovan Mitchell et Rudy Gobert, le Jazz est entre de bonnes mains. 

J’aime que Russell Westbrook soit à un triple-double de battre le record d’Oscar Robertson que nous croyions intouchable. Se remettre de sa blessure lui a pris plusieurs mois, mais, en tant que partisans, nous sommes choyés de pouvoir le voir jouer en démontrant la même fougue que lors de ses premières années avec le Thunder.

J’aime que Nikola Jokic soit l’itération la plus récente et la plus complète de la nouvelle NBA, dans laquelle le basketball sans position est priorisé. À six pieds et onze pouces, il joue comme un garde. Son jeu de pick and roll (écran porteur) avec Jamal Murray est inarrêtable et, maintenant que Murray est blessé, c’est Michael Porter Jr. qui profite le plus du génie de Jokic. Il n’est pas uniquement le meilleur passeur à sa position que nous avons vu, il est un des meilleurs passeurs dans l’histoire de la ligue, toutes positions confondues.

J’aime que Michael Porter Jr. se soit remis de sa blessure au dos pour devenir un marqueur à la Kevin Durant. Déjà, il est un des tireurs les plus efficaces à l’aile et son jeu ne va que s’améliorer.

J’aime que Zion Williamson soit encore meilleur que nous le croyions, mais surtout qu’il n’a pas besoin de tirer de l’extérieur pour l’être. Ses points viennent presque exclusivement de la bouteille et, en dépit de son jeu qui est, pour l’instant, unidimensionnel, il est si puissant, explosif et coordonné que personne dans la NBA n’est capable de le ralentir. 

J’aime que Joel Embiid ait travaillé sur son conditionnement pendant la saison morte. Il est maintenant en mesure de jouer plus de minutes à chaque match et de moins se fatiguer malgré son jeu extrêmement physique. Depuis Shaquille O’Neal, nous n’avons pas vu un joueur imposer sa volonté sur les équipes adverses comme le fait Embiid cette saison. Il y a des moments où il est même possible de voir le découragement et l’abandon dans les yeux des autres centres qui se font piétiner jour après jour par la montagne qu’est le pivot des Sixers. 

Je déteste que les Mavericks aient décidé de construire une équipe autour de Luka Doncic comme l’ont fait les Rockets, autour de James Harden. C’est un joueur qui a le ballon 80% du temps alors que ses quatre coéquipiers se mettent dans les coins, le regardent faire et espèrent qu’il leur passe le ballon de temps en temps pour qu’ils puissent tenter un tir de trois points. 

J’aime que Terry Rozier démontre aux Celtics qu’ils ont pris la mauvaise décision de le laisser quitter Boston afin de signer Kemba Walker. 

J’adore que les Knicks, malgré un personnel médiocre, aient la meilleure défense de la ligue et se retrouvent en quatrième position dans l’Est. Tom Thibodeau est un génie. Julius Randle s’épanouit finalement avec sa troisième équipe. Il a des statistiques similaires aux meilleures saisons de Larry Bird et de Charles Barkley, à l’apogée de leur carrière. Même Derrick Rose a trouvé la fontaine de Jouvence au Madison Square Garden cette saison. 

J’adore que Jrue Holiday soit, pour les Bucks, tout ce qu’Eric Bledsoe n’était pas. Il est en mesure de réussir un tir de trois points quand c’est nécessaire, et ce, après avoir couvert le meilleur joueur de l’équipe adverse au périmètre pendant tout le match. 

J’adore que l’avenir brillant du Thunder se dessine à l’horizon. Les deux Canadiens, Shai Gilgeous-Alexander et Luguentz Dort, ainsi que les jeunes Pokuševski et Maledon seront bientôt une force dans l’Ouest. 

J’adore que tu me sois revenu et que tu m’aies offert tous ces plaisirs qui me remplissent de joie tous les jours. J’adore qu’à quelques jours des séries éliminatoires, malgré les longs mois sans sommeil pendant lesquels nous avons été séparés, notre relation soit plus forte que jamais. J’adore que nous puissions simplement nous asseoir ensemble, main dans la main, sans dire un mot, et savoir que nous nous aimons.

Vincent Orellana-Pepin

NFL, NBA, NCAA et nourriture mexicaine. Ce sont les quatre points cardinaux pour Vincent, qui ne refuserait pas non plus un après-midi de golf. Si ça se joue avec une balle, ou si ça se sert dans une tortilla, il en est passionné, tant au niveau professionnel qu'au niveau amateur. Il est d'avis que le tournoi de basketball collégial américain, soit le March Madness, devrait marquer le début d'un mois de congé pour la population entière du continent américain et que le lendemain du Super Bowl devrait être un jour férié national.

Une réflexion sur “Lettre d’amour à toi qui m’es revenu

  • 19 mai 2021 à 19:22
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    Excellent article. C’est plaisant et trop rare de lire sur le basket de la NBA en français au Québec. en passant, très bonnes idées, les congés pour le March Madness et le SuperBowl !

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