Nigel Pearson, artisan déchu du triomphe de Leicester
Le 2 mai 2016, le Leicester City Football Club devenait officiellement champion de la Premier League anglaise. Pour cette équipe au budget modeste, cela relève de l’extraordinaire exploit, voire du miracle. L’entraîneur, Claudio Ranieri, est sans doute un élément clé de ce triomphe, mais qu’en est-il de Nigel Pearson? L’ex-entraîneur de l’équipe, viré à peine un mois avant le coup d’envoi de la saison 2015-2016, en est pour quelque chose dans le titre de Leicester. En poste depuis 2011, Nigel Pearson a bâti une équipe championne d’Angleterre, mais son legs passe inaperçu.
De 2008 à 2015, avec un hiatus d’un an à Hull City, Nigel Pearson a connu d’assez bons moments avec Leicester. Reprenant l’équipe en League One, la troisième division anglaise, il a assuré la montée dès sa première campagne et préparé le club à grimper au premier échelon de la hiérarchie anglaise en 2014. La première et seule année de l’entraîneur anglais fut difficile, mais le pire fut évité. Après avoir passé la quasi totalité de l’année en dernière position, Leicester a gagné six matchs consécutivement et n’a pas perdu à ses huit derniers pour se sauver de la relégation et finir en 14e position.
Fin de saison prometteuse
La fin de saison 2014-2015 laissait entrevoir de belles choses sous Nigel Pearson. La superbe séquence sans défaite pour se sauver d’une descente démontrait la force de caractère de ce groupe. Pearson semblait avoir un plan de jeu et son recrutement, en fonction des moyens financiers de l’équipe, était cohérent et efficace. 2015-2016 s’annonçait relativement bien pour l’équipe, qui prévoyait tout de même lutter pour son maintien.
Les choses se sont malheureusement gâtées pour Pearson et son groupe. En mai 2015, lors d’une tournée en Thaïlande, un scandale sexuel impliquant le fils de Nigel a frappé l’équipe. Ce dernier étant renvoyé de l’équipe, le paternel quitta le bateau un mois plus tard dans la foulée de cette affaire. C’est à ce moment que Claudio Ranieri prit les reines de l’équipe et en fit une des plus grosses surprises de l’histoire du sport.
La formation de Pearson
Bien que Ranieri ait réussi un miracle avec cet effectif, il faut dire que celui-ci a été composé en presque totalité par son prédécesseur. En effet, il n’y a qu’un joueur parmi les cadres de l’effectif 2015-2016 qui n’a pas été signé sous le règne de Nigel Pearson. Il n’y a que N’Golo Kanté qui n’est pas un joueur de Pearson. Reste que ce n’est pas n’importe quel joueur. Colonne vertébrale du club dans la quête du titre et révélation européenne, Leicester ne serait jamais monté si haut sans lui. Cependant, Ranieri n’était pas convaincu de la signature du milieu défensif français. En effet, Rob Tanner, dans son livre 5000-1: The Leicester City Story, rapporte que l’entraîneur italien ne voulait pas le signer et que ce sont les recruteurs de Leicester qui l’ont convaincu.
Sur le XI type de Leicester City, seulement Kanté ne figurait pas dans les plans de Nigel Pearson. Des six autres joueurs du groupe élargi, deux sont arrivés durant la saison, signatures de Ranieri, qui constituaient plus des joueurs de profondeur que de réels titulaires. Les Kasper Schmeichel, Jamie Vardy et Riyad Mahrez de ce monde, qui sont entrés dans la légende en 2016, sont tous arrivés progressivement sous le règne de l’entraîneur déchu.
Joueur | Minutes jouées en 2015-2016 | Année d’arrivée |
---|---|---|
Wes Morgan | 3420 | 2012 |
Kasper Schmeichel | 3420 | 2011 |
Robert Huth | 3150 | 2015 (avant) |
Jamie Vardy | 3139 | 2012 |
Riyad Mahrez | 3054 | 2014 |
Danny Drinkwater | 3039 | 2012 |
N’Golo Kanté | 3020 | 2015 (après) |
Marc Albrighton | 2766 | 2014 |
Chrisitan Fuchs | 2710 | 2015 (avant) |
Danny Simpson | 2613 | 2014 |
Shinji Okazaki | 2069 | 2015 (avant) |
Jeffrey Schlupp | 1379 | Formé au club |
Andy King | 1046 | Formé au club |
Leonardo Ulloa | 966 | 2014 |
Ritchie De Laet | 655 | 2012 |
Nathan Dyer | 209 | 2015 (après) |
Demaray Gray | 176 | 2016 |
Fixer les détails
Parmi les éléments sur lesquels Nigel Pearson travaillait avant son départ plus ou moins imprévu, il y a son duo offensif. Dans le schéma à deux attaquants de Pearson, schéma repris par Claudio Ranieri, le remplacement de Leonardo Ulloa par Shinki Okazaki a porté fruit. En gardant l’Argentin en joueur de banc et Okazaki en deuxième pointe, au service d’un Jamie Vardy littéralement en feu, Leicester n’a pas manqué d’option pour marquer les buts. Les explosions de Vardy et de Riyad Mahrez y sont pour beaucoup également.
En milieu de terrain, l’arrivée de Kanté n’est pas attribuable ni à Pearson ni à Ranieri, mais sa complémentarité avec Danny Drinkwater, arrivé en 2012, a solidifié un milieu de terrain en béton qui a permis de garder le bloc très bas et le jeu de transition plus qu’efficace.
L’expérience et le calme de Wes Morgan, un des doyens de l’équipe, ont aidé lors des multiples séquences que Leicester a subies tout au long de la saison 2015-2016. Avec les ajouts de Robert Huth, Danny Simpson et Christian Fuchs quelques années auparavant, Leicester s’est retrouvé avec une défense homogène, sans grande prise de risque, qui a lui a donné le titre. Les exploits de Kasper Schmeichel, également révélation européenne cette année-là, ont aussi contribué.
Pas tout le mérite
Nigel Pearson, pour avoir construit l’équipe dans sa quasi entièreté, mérite d’être reconnu comme un des principaux artisans du titre de Leicester lors de la saison 2015-2016. Cependant, il est peu probable que l’équipe ait gagné le titre sous sa gouverne. Il a construit l’effectif, certes, et il aurait assurément fait de belles choses avec celui-ci s’il était resté, mais Ranieri mérite également sa part du gâteau. D’avoir su rallier les troupes comme il l’a fait durant plusieurs mois alors que tout le monde l’enterrait dès le début de la saison, c’est tout simplement incroyable.
Pour avoir vu le caractère et le potentiel de plusieurs joueurs qui n’ont que cette saison 2015-2016 comme fait d’armes dans leur carrière relève de l’exploit de la part de Nigel Pearson. D’avoir mené ce groupe vers les plus grands honneurs du soccer anglais est du même acabit pour Claudio Ranieri. Célébrons tout simplement ce miracle sportif qui sera encore raconté dans 10, 50 ou même 100 ans.