Départs canons : durables ou éphémères?

Tomas Hertl (gauche), Jack Hughes (centre) et Bo Horvat (droite) connaissent tous des débuts de saison impressionnants. Photo : Sergei Belski (USA TODAY Sports / Getty Images / WealthPortfolio / Pizap).

Au sommet de leur carrière, Bo Horvat, des Canucks de Vancouver, et Tomas Hertl, des Sharks de San Jose, produisent à un rythme effréné en ce début de campagne. Jack Hughes, qui avait déçu lors de sa saison recrue, fait partie des 20 meilleurs pointeurs de la ligue après presque deux semaines d’activités. Leur production offensive accrue est-elle signe des choses à venir ou, plutôt, d’une vague passagère? Pour répondre à cette question, on se doit de s’attarder aux statistiques.

Jack Hughes

Le premier choix au total du repêchage de 2019 n’a récolté que 21 points, dont sept buts, à sa saison recrue, bien en deçà des attentes. Il s’agit du plus bas total de points récoltés par une recrue sélectionnée au premier rang depuis plus de 20 ans. Son total de points amassés à égalité numérique a aussi été le deuxième plus bas, derrière Kaapo Kakko, parmi 32 joueurs ayant évolué dans la LNH depuis 2007-2008. Il est aussi important de noter que les Devils de l’an passé étaient aux bas-fonds du classement, notamment en termes de production offensive. Les Devils ont terminé 25es pour les buts marqués en 2019-2020, ce qui rend la tâche de produire offensivement encore plus difficile pour un jeune de 18 ans. La présence de Nico Hischier et de Taylor Hall a aussi limité son temps de jeu : Hughes a joué en moyenne 15 minutes 52 secondes par rencontre, le plaçant au 177e rang de la LNH dans cette catégorie.

Jack Hughes bat Ilya Sorokin d’un tir vif dans la lucarne. Vidéo : SPORTSNET via YouTube.

Cette saison, cependant, avec le départ de Taylor Hall et la blessure de Nico Hischier, le temps de jeu de Hughes a grimpé de près de 3 minutes par match. Le jeune homme semble confiant avec la rondelle et en ses habiletés offensives. Il est plus rapide, possède un meilleur lancer et est plus fort sur ses patins. Toutefois, le pourcentage d’efficacité de ses tirs est nettement trop élevé, à 33,7%. En tant que tel, avoir un pourcentage aussi élevé n’est pas négatif, sauf qu’en moyenne, un joueur convertit 10% de ses lancers. Son efficacité devrait donc descendre aux alentours de 12%, considérant la qualité de son tir. Il commence aussi 66% de ses séquences en zone offensive, ce qui devrait régresser avec le retour éventuel de Hischier. Le numéro 19 des Devils montre des signes encourageants, mais on doit s’attendre à une baisse de régime dans sa production offensive.

Bo Horvat

Le capitaine des Canucks de Vancouver est lentement mais sûrement en train de s’établir comme l’un des joueurs les plus sous-estimés du circuit Bettman. Depuis son arrivée dans la ligue, en 2014, sa production offensive n’a cessé de grimper, tout comme son nombre de tirs au but, son temps de jeu, son efficacité dans le cercle des mises au jeu ainsi que son nombre de buts marqués. Au cours des trois dernières années, Horvat a marqué en moyenne 0,73 point par match, alors que cette saison, il en récolte 1,25 par rencontre, le plaçant au sommet de la LNH en termes de points, à égalité avec Anze Kopitar, Mitch Marner et Connor McDavid. Avec le début de saison difficile que connaît Elias Pettersson, c’est Horvat qui mène la charge offensive.

Bo Horvat bat Carey Price en avantage numérique pour donner une avance de 4-3 aux Canucks. Vidéo : SPORTSNET via YouTube.

Plusieurs signes pointent vers une production durable de la part d’Horvat : son Corsi est au-dessus de la barre des 50% (52,6%) pour la première fois de sa carrière et son Fenwick aussi (53,8%). Il débute aussi 49,4% de ses séquences en zone offensive, ce qui représente une augmentation de 5,4%, en comparaison avec 2019-2020. Cependant, il tire moins au filet : au cours des deux dernières années, il a récolté 2,7 tirs au filet par rencontre, alors que cette année, ce chiffre a légèrement baissé (2,5).

La différence majeure expliquant la production offensive de Horvat cette saison se trouve, tout comme pour Jack Hughes, dans l’efficacité de ses tirs. Il opère présentement à une efficacité de 25%, bien au-delà du 12% qu’il a récolté en moyenne au cours des récentes campagnes. Horvat est un excellent joueur, mais il ne continuera pas de récolter 1,25 point par rencontre pour le reste de la saison, à moins qu’il continue de convertir 25% de ses tirs, ce qui se voit très rarement. Au cours des 20 dernières années, parmi les joueurs ayant récolté un minimum de 100 tirs au but lors d’une saison, seul Mike Ribeiro, en 2007-2008, a récolté un pourcentage de tirs supérieur à 25% (25,2%), alors qu’il a amassé 27 buts en 107 tirs.

Tomas Hertl

L’attaquant de 27 ans natif de la République tchèque a le travail colossal de mener une des offensives les moins profondes de la ligue. Il est au centre d’un deuxième trio, flanqué d’Evander Kane et de la recrue John Leonard. Malgré un début de saison canon, lors duquel il a amassé deux buts et une mention d’aide, Hertl s’est fait plutôt discret à égalité numérique, ne récoltant qu’un seul point lors des cinq derniers matchs. C’est en avantage numérique qu’il fait la majeure partie de ses dégâts, lorsqu’il a la chance de compléter les manœuvres de Brent Burns, Logan Couture, Kevin Labanc et Erik Karlsson. Comme les deux joueurs ci-haut, il a aussi un pourcentage d’efficacité au tir très élevé, à 30%.

Même si son temps de jeu a bondi de près de trois minutes, en comparaison avec 2019-2020, Hertl ne débute que 41,7% de ses séquences en zone offensive, contre 49,1% l’an passé, au profit de Dylan Gambrell, qui est à 52%. Son Corsi et son Fenwick ont aussi beaucoup régressé, chose normale puisqu’il joue pour une équipe de fond de classement. Il tire aussi moins souvent que l’année dernière (1,7 tir par rencontre contre 2,4 en 2019-2020), en gagnant moins de mises au jeu. Il contrôle donc moins le jeu lorsqu’il est sur la patinoire et tire moins souvent, tout en ayant un pourcentage de tirs très élevé. Hertl va donc certainement ralentir sa cadence de production offensive au cours de la saison.

D’autres joueurs au sein de la ligue devraient aussi ralentir au cours des prochaines semaines, notamment Mitch Marner, Kyle Connor, Tyler Toffoli et Bobby Ryan. D’un autre côté, certains joueurs, dont Brayden Point, Taylor Hall, Jeff Carter et Alex Ovechkin, connaissent un bon début de saison et pourraient continuer d’augmenter leur rythme de production offensive.

Antonin Martinovitch

Ayant pratiqué le sport pendant près de 15 ans, Antonin Martinovitch mange, dort et respire hockey. Amateur de statistiques avancées, il fait parler les chiffres, montrant le sport sous un angle différent. Étudiant au baccalauréat en journalisme à l’UQÀM ainsi que dictionnaire sur pattes, il transmet sa passion du monde sportif à travers ses écrits et ses chroniques vidéos. Ses divers intérêts à un bas âge au football, au golf et à la Formule 1 ont aussi persisté, faisant de lui avant tout un amateur de sport. « Comment aimeriez-vous un travail où, chaque fois que vous commettez une erreur, une grosse lumière rouge s'allume et 18 000 personnes vous huent ? » – Jacques Plante

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