Martinovitch explique : le Corsi

Le Corsi est une des mesures les plus importantes parmi les statistiques avancées. Photo : Freepik.

Dans cette série explicative d’articles, j’aborde chacune des statistiques avancées utilisées dans le monde du hockey. J’explore les calculs utilisés pour parvenir à ces mesures, leur utilité quant à l’impact d’un joueur sur la patinoire et les autres mesures avec lesquelles elles peuvent être combinées.

Comment calcule-t-on le Corsi?

Le Corsi a quatre composantes, comme on peut le voir sur la photo ci-bas, prise du site Hockey-Reference.com. Il est important de préciser que le Corsi n’est calculé qu’à égalité numérique. La première composante est le Corsi pour (CF) et représente le nombre de tirs au filet, de tirs bloqués et de tirs ratés par l’équipe du joueur lorsqu’il est sur la patinoire. La deuxième est le Corsi contre (CA), qui représente le nombre de tirs du même type, mais pour l’équipe adverse lorsque le joueur est sur la glace. La troisième est le pourcentage du Corsi pour (CF%), qui représente le pourcentage du Corsi pour l’équipe du joueur lorsque celui-ci est sur la patinoire. En d’autres mots, ce chiffre correspond au pourcentage de tirs au filet, bloqués et ratés en faveur de l’équipe du joueur en question lorsque ce dernier est sur la surface glacée. Pour obtenir ce pourcentage, il s’agit simplement d’additionner le CF et le CA : dans cet exemple, on utilise Nick Suzuki, ce qui donne un résultat de 1765. On divise ensuite le CF par cette nouvelle mesure, on multiplie par 100, et voilà : on obtient un pourcentage de 53,4%.

La dernière mesure est le pourcentage du Corsi pour relatif (CF%). Ce chiffre est le résultat de la différence entre le CF% du joueur lorsqu’il est sur la glace et le CF% de son équipe lorsqu’il ne l’est pas. Un Corsi négatif signifie donc que l’équipe contrôle moins les tirs lorsque le joueur est sur la patinoire que lorsqu’il ne l’est pas, comme dans le cas de Nick Suzuki, lors de sa saison recrue (-1,6%).

Ce que le Corsi veut dire

Lorsqu’on parle du Corsi, les deux seules mesures utilisées, en règle générale, sont le CF% et le CF% relatif. Quand on voit « le Corsi », cela fait référence à la statistique du CF%, que j’ai expliquée ci-haut. On parle donc du pourcentage des tirs au filet, bloqués ou ratés de l’équipe du joueur lorsque ce dernier est sur la patinoire. Un pourcentage supérieur à 50% signifie que l’équipe contrôle plus de la moitié des tentatives de lancers lorsque le joueur est sur la glace. Un pourcentage inférieur à 50% veut donc dire le contraire.

Qu’est-ce qui influence le Corsi?

Une multitude de facteurs peuvent entrer en compte pour expliquer un Corsi supérieur à 50%, ou même le contraire. Prenons l’exemple de Cody Ceci, qui est considéré par plusieurs experts comme l’un des pires défenseurs de la LNH. Ceci est un défenseur jouant sur une troisième paire puisqu’il n’est pas très mobile et n’a pas beaucoup de qualités offensives. Au cours de sa carrière, le Corsi a bien reflété que, lorsque Ceci est sur la patinoire, son équipe contrôle beaucoup moins les tirs qu’autrement. C’est tout à fait normal puisque, normalement, les défenseurs jouant sur une troisième paire ont un Corsi inférieur à 50%, comme Jordie Benn (43,3%), Jarred Tinordi (43,7%), ou même Andy Greene (44%). Cependant, à son arrivée à Toronto, le CF% de Ceci a grimpé à 49,6%, lui qui n’avait pas dépassé la barre des 45% depuis 2014-2015. Ceci s’est-il soudainement amélioré avec les Maple Leafs? C’est ici qu’entre en jeu le style de jeu de l’équipe et le CF% relatif.

Une équipe qui mise sur la possession de la rondelle aura souvent des joueurs ayant un CF% élevé. C’est le cas de Toronto, qui est une des meilleures équipes durant la saison régulière depuis quelques années. C’est ce qui explique le saut soudain du CF% de Ceci. On peut juger si un joueur s’est réellement amélioré ou s’il bénéficie du système de jeu de son équipe en s’attardant au CF% relatif, que j’ai expliqué plus haut. En 2019-2020, Ceci a eu un CF% relatif de -4,1%, ce qui veut dire que son équipe contrôlait 4% plus de tirs lorsqu’il n’était pas sur la patinoire, ce qui représente le pire pourcentage parmi les défenseurs de Toronto. Morgan Rielly (-2,0%), Jake Muzzin (0,9%), Justin Holl (-1,0%), Travis Dermott (-2,3%) et Tyson Barrie (3,1%) ont tous eu un meilleur Corsi relatif. Donc, oui, le CF% de Ceci a grimpé de 5,6% entre 2018-2019, lorsqu’il jouait pour Ottawa, et 2019-2020, avec Toronto, mais son CF% relatif a chuté de 2,2%, ce qui indique que Ceci ne s’est pas amélioré, mais qu’il a plutôt bénéficié du système de jeu des Maple Leafs.

Un autre facteur pouvant influencer le CF% est le pourcentage de départs effectués en zone offensive. Si un joueur débute plus de la moitié de ses séquences en zone offensive, ses chances d’obtenir plus de tirs au filet, donc d’avoir un CF% supérieur à 50%, sont augmentées. L’inverse est aussi vrai. Un joueur qui débute beaucoup de ses séquences en zone défensive aura forcément plus de chances que son CF% soit à la baisse.

Le Corsi combiné à d’autres mesures

En combinant le CF% avec d’autres mesures, on peut arriver à des conclusions qui reflètent bien la réalité. Mon tableau ci-bas est très subjectif et approximatif, mais il donne une bonne idée de ce qu’on peut remarquer en combinant les deux statistiques.

Je donne donc la note A+ aux joueurs débutant moins de 50% de leurs séquences en zone offensive (OZS%), mais ayant un CF% supérieur à 50%. Dans cette catégorie, on retrouve souvent les meilleurs joueurs défensifs du circuit Bettman, les joueurs bidirectionnels. Par exemple, en 2018-2019, Sean Couturier a eu un OZS% de 46,4% et un CF% de 53,3%. Idem pour Ryan O’Reilly en 2019-2020, qui a eu un OZS% de 48,9% et un CF% de 52,8%. J’octroie la note B+ aux joueurs qui ont une statistique supérieure à 50% dans les départs en zone offensive et pour le CF%. Des joueurs offensifs, comme Max Pacioretty, qui a eu un OZS% de 56,5% et un CF% de 58,8%, ou bien David Pastrnak, qui a eu un OZS% de 62,5% et qui a récolté un CF% de 54,6%.

Je réserve la note C aux joueurs qui ont un pourcentage de moins de 50% pour leurs séquences en zone offensive et leur CF%. Ici, ce sont des joueurs à portée principalement défensive, comme Jean-Gabriel Pageau, qui a eu un OZS% de 40,8% et un Corsi de 44%, ou bien Casey Cizikas, qui a eu un OZS% de 36,8% et un CF% de 46,7%. Finalement, j’octroie une note de D aux joueurs débutant plus de 50% de leurs séquences en zone offensive, mais ayant un CF% inférieur à 50%. On retrouve dans cette catégorie les joueurs purement offensifs et unidimensionnels, comme Patrik Laine, qui a eu un OZS% de 60% et un CF% de 43,5%, ou bien Kyle Connor, qui a eu un OZS% de 59,3% et un CF% de 49,7%.

Le Corsi : utile ou non?

Le Corsi peut effectivement être efficace lorsqu’on tente de juger l’impact qu’un joueur a lorsqu’il est sur la patinoire. Cependant, il faut bien prendre compte des autres facteurs mitigeant, comme je l’ai mentionné, par exemple le système de jeu de l’équipe, les départs en zone offensive et la qualité de l’équipe. Certes, le Corsi peut être intéressant, surtout lorsqu’on le combine à d’autres mesures, mais il reste très délicat de juger uniquement en se fiant à cette statistique. D’autres statistiques avancées ont un effet plus probant, comme les buts attendus (xGF), dont je parlerai dans un prochain article.

Antonin Martinovitch

Ayant pratiqué le sport pendant près de 15 ans, Antonin Martinovitch mange, dort et respire hockey. Amateur de statistiques avancées, il fait parler les chiffres, montrant le sport sous un angle différent. Étudiant au baccalauréat en journalisme à l’UQÀM ainsi que dictionnaire sur pattes, il transmet sa passion du monde sportif à travers ses écrits et ses chroniques vidéos. Ses divers intérêts à un bas âge au football, au golf et à la Formule 1 ont aussi persisté, faisant de lui avant tout un amateur de sport. « Comment aimeriez-vous un travail où, chaque fois que vous commettez une erreur, une grosse lumière rouge s'allume et 18 000 personnes vous huent ? » – Jacques Plante

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