Menés par l’exemple : la recette du succès

Les équipes ayant des joueurs étoiles dans leurs rangs ont-elles tendance à s’améliorer plus rapidement? En d’autres mots, pratiquer avec ces joueurs étoiles est-il bénéfique pour le développement de l’organisation? Comment, pourquoi, et quels impacts ont les joueurs élites sur les membres de l’équipe? Je me penche sur cette question.

« Sid the Kid »

Avant son arrivée avec les Penguins de Pittsburgh en 2005-2006, l’organisation avait raté les séries lors des trois années précédentes. Lors des 13 dernières années, les Penguins ont participé aux séries 12 fois sur 13, ont remporté trois Coupes Stanley, en ajoutant une défaite lors de la finale contre les Red Wings de Détroit en 2007-2008. Certes, Sidney Crosby est entouré de joueurs de haut calibre, comme Evgeni Malkin, Kris Letang et pendant plusieurs années, Marc-André Fleury. C’est toutefois Crosby, le capitaine, qui mène son équipe à des succès rarement égalés lors des 20 dernières années. De pratiquer avec le natif d’Halifax doit certainement être bénéfique pour ses coéquipiers.

J’ai récemment posé la question à Bruno Gervais, un ancien défenseur de la Ligue nationale de hockey ayant porté les chandails du Lightning de Tampa Bay, des Flyers de Philadelphie et des Islanders de New York. Plus récemment, il est devenu analyste au sein du média sportif RDS. Il est d’avis qu’un joueur de la trempe de Sidney Crosby élève le jeu des joueurs qui l’entourent.

Un Sidney Crosby rend tout le monde meilleur autour de lui parce qu’il élève les standards, et il n’accepte pas juste le normal. C’est tout le temps de repousser les limites, et quand un joueur de ce grand talent-là travaille aussi fort [et] repousse ses limites, ça devient contagieux.

Bruno Gervais commentant sur l’influence de « Sid the Kid ».

Serait-ce le talent des joueurs élites qui force leurs coéquipiers à travailler plus fort lors des pratiques, ou simplement leur éthique de travail qui est contagieuse? Selon moi, ainsi que certains membres de l’entourage de Crosby, c’est plutôt l’attitude et le désir de s’améliorer qui a un impact sur l’organisation. Son directeur général, Jim Rutherford, appuie cette théorie : « Lorsqu’il est sur la glace, il ne prend jamais de jour de congé. Il est juste motivé par la perfection. C’est ainsi qu’il [influence] notre équipe. »

Un de ses anciens coéquipiers, Brooks Orpik, complimente aussi son éthique de travail. « Il est toujours le gars le plus travaillant avec qui j’ai joué », a-t-il commenté au sujet de Crosby. Il ne s’agit donc pas seulement du talent, mais bien de l’attitude ainsi que de l’éthique de travail qui, lorsque présentes chez des joueurs étoiles, ont tendance à se propager à travers l’organisation.

C’est à se demander si le Canadien ne manque pas de ce genre de joueur, qui motive et influence les autres à constamment s’améliorer. Selon l’ex-joueur des Islanders, Bruno Gervais, même si le Canadien ne compte pas de Sidney Crosby ou de Connor McDavid dans ses rangs, d’autres joueurs ont ce rôle dans l’organisation. Il a notamment mentionné Shea Weber, Carey Price, Brendan Gallagher et Phillip Danault. Selon lui, ces joueurs ont le même type de mentalité, et poussent l’équipe à s’améliorer selon des standards plus élevés.

Le Québec est bien représenté

Certains joueurs québécois ont cette réputation à travers la ligue d’être des modèles pour les autres joueurs. J’ai récemment parlé à Steve Bégin, un ancien joueur de la LNH ayant porté les couleurs des Stars de Dallas, des Bruins de Boston, du Canadien de Montréal et des Flames de Calgary. Son témoignage s’apparente à celui de Bruno Gervais en rapport à deux joueurs québécois : Martin St-Louis et Patrice Bergeron.

« Patrice Bergeron à Boston a été l’ultime professionnel que tu veux dans ton équipe, que tu veux que tes jeunes se tournent vers lui. Bergeron, c’est un gars dans les deux sens de la patinoire, aussi bon défensivement qu’offensivement. C’est un professionnel autant sur la patinoire qu’à l’extérieur de la patinoire. C’est un modèle à suivre, c’est une personne incroyable, j’ai adoré jouer avec lui », explique Steve Bégin. Matt Duchene, qui évolue présentement avec les Predators de Nashville, ne s’est pas gêné non plus en parlant de Bergeron. « Il est aussi proche de la perfection que vous pourriez trouver », a-t-il déclaré en 2016 .

Un autre joueur étoile ayant eu cette même mentalité est Martin St-Louis. Plusieurs joueurs vedettes ont eu l’opportunité de pratiquer avec des joueurs étoiles, et en ont bénéficié énormément. C’est le cas de Steven Stamkos, qui a pratiqué pendant quelques années avec le petit attaquant québécois. Bruno Gervais a eu la chance de jouer en même temps que ces deux joueurs, et il confirme que le désir de perfection et l’attitude de St-Louis ont influencé beaucoup les joueurs autour de lui.

« Martin St-Louis, sa passion, son approche pour le jeu, c’était contagieux, l’éthique de travail qu’il avait. Il était tout le temps en train de traîner Steven Stamkos sur la glace pour trouver des façons de marquer, faire évoluer l’avantage numérique, d’être constamment en avant de la vague. C’est ce qui faisait que c’était un joueur élite, un joueur du temple de la renommée, un gars qui avait tellement un impact positif, »

Bruno Gervais sur l’éthique de travail de Martin St-Louis.

Steve Bégin non plus ne tarit pas d’éloges au sujet de St-Louis. « C’est quelqu’un qui travaillait extrêmement fort […], qui voulait constamment s’améliorer. », a-t-il constaté.

C’est beau avoir du talent, mais…

Du talent, il en faut si on veut avoir une chance de gagner. Mais du talent sans une bonne attitude et une éthique de travail positive peut entraîner une réaction adverse, voire négative. Lorsqu’un directeur général bâtit son équipe, il regarde les noms de son alignement. Il regarde cependant aussi leur attitude et l’impact que ceux-ci peuvent avoir sur leurs coéquipiers. On pense notamment à l’échange de Mike Ribeiro aux Stars de Dallas en 2007. Les raisons entourant son départ restent nébuleuses. Or, plusieurs s’accordent pour dire que son impact dans le vestiaire était moins que positif, et que ses fréquentations laissaient à désirer. Un joueur rempli de talent, mais avec une attitude indésirable ne fait pas bon ménage.

Jason Blake, l’ancien coéquipier de Bruno Gervais avec les Islanders, était un de ces joueurs. Du talent à revendre, une éthique de travail exemplaire, mais un comportement sur la glace centré sur lui-même. « Jason Blake, en était un [joueur] qui était très compétitif, mais il était vraiment égoïste quand venait le temps d’un match, donc je dirais vraiment que c’était un impact négatif sur le vestiaire. »

Steve Bégin est du même avis : « Crosby, McDavid, Martin St-Louis aussi. Ça c’est des leaders qui vont rendre ton équipe meilleure, des joueurs d’impact que tu veux. Tu peux en avoir des vedettes, mais ce ne sont pas des gros leaders. Ce ne sont pas eux qui vont te faire gagner. »

Tout cela m’amène à croire qu’un joueur élite peut avoir un impact bénéfique pour l’organisation. Cependant, un joueur élite, qui s’entraîne plus fort que les autres, qui montre par l’exemple, qui a une bonne attitude et une éthique de travail hors du commun, c’est ce qui démarque une bonne équipe d’une équipe qui remporte la coupe. La recette du succès apparaît donc simple: les équipes gagnantes sont celles qui bâtissent autour de joueurs, qui travaillent sans relâche et qui mènent par l’exemple.

Antonin Martinovitch

Ayant pratiqué le sport pendant près de 15 ans, Antonin Martinovitch mange, dort et respire hockey. Amateur de statistiques avancées, il fait parler les chiffres, montrant le sport sous un angle différent. Étudiant au baccalauréat en journalisme à l’UQÀM ainsi que dictionnaire sur pattes, il transmet sa passion du monde sportif à travers ses écrits et ses chroniques vidéos. Ses divers intérêts à un bas âge au football, au golf et à la Formule 1 ont aussi persisté, faisant de lui avant tout un amateur de sport. « Comment aimeriez-vous un travail où, chaque fois que vous commettez une erreur, une grosse lumière rouge s'allume et 18 000 personnes vous huent ? » – Jacques Plante

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